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Église catholique, année 2000

En l’an 2000, l’Église se repentait, expliquait que les divorcés-remariés ne pouvaient pas communier, s’énervait déjà contre les traditionalistes et enterrait quelques dossiers. Rien n’a changé, à un détail près…

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Église catholique, année 2000

C’était hier. C’était il y a 25 ans. C’était il y a un quart de de siècle, dans un monde à la fois différent et similaire du nôtre. Un monde qui ne connaissait plus la Guerre froide, mais pas encore confronté à la crise du Proche-Orient ou aux vagues terroristes. C’était le monde de Jean-Paul II qui, malgré ses 80 ans, s’apprêtait à faire entrer l’Église dans le Jubilé de l’an 2000. Malgré un pontife fatigué et une Église en crise, différentes initiatives et démarches avaient été prises. Quelques-unes semblent d’actualité, d’autres non. Elles pourraient nous étonner, voire nous surprendre, quand on connaît certains changements survenus dans ou hors l’Église.

Un pape en Terre sainte

Les voyages du pape sont aujourd’hui devenus une banalité. Jean-Paul II avait voyagé dans certains pays. Pour la première fois depuis Paul VI, un pape s’était rendu en Terre sainte en mars 2000. Jean-Paul II visita à Jérusalem, pria devant le Mur des lamentations, mais salua aussi les territoires dits occupés. Un espoir pour les chrétiens d’Orient ou même pour les hommes de bonne volonté ? Les départs des chrétiens se sont accélérés depuis l’invasion de l’Irak de 2003, puis l’avènement de Daech. Ainsi, un voyage de Jean-Paul II avait même été envisagé en Irak, mais il devint impossible. Le pape se rendit cependant en Égypte, dans le Sinaï. Quant à la terre qui vit naître le Christ, elle n’a pas cessé de connaître terrorisme, violence et ripostes militaires musclées. Pour les chrétiens d’Orient, les deux dernières décennies ont été un accélérateur marquant dans un mouvement de départ qui ne date pas des persécutions des années 2010, mais qui se manifeste déjà à la fin du XIXe siècle. Mais les nouvelles violences dans une zone où ils étaient présents depuis les origines ont accéléré l’exode.

La repentance jubilaire

Le Jubilé de l’an 2000 devait être marqué par une cérémonie de repentance, notamment pour les fautes commises par les fils de l’Église. Aujourd’hui, cette cérémonie tenue le 12 mars 2000 ferait sourire, tant l’Église est allée au-delà du simple fait de battre sa coulpe. Aujourd’hui, dans certains secteurs de l’Église, il ne s’agit plus de demander pardon, mais de déconstruire. Quand on se repent, c’est encore parce que l’on reconnaît a minima l’existence du mal ou d’un péché. Maintenant, c’est plus compliqué : on déconstruit davantage le péché, oubliant qu’il doit d’abord être absous et non nié. Pire : on dénonce même l’existence d’un péché d’attachement à la doctrine. En mars 2000, Jean-Paul demandait notamment pardon « pour la violence à laquelle certains d’entre d’eux [NDLR : les chrétiens] ont eu recours dans le service à la vérité ». Mais sans oublier qu’il existait une vérité à défendre. Aujourd’hui, ce n’est plus les moyens au service de la vérité qui deviennent problématiques, mais la vérité elle-même. Le problème n’est plus un moyen contestable (la violence), mais la fin poursuivie (la vérité de la foi). Car dans cette même cérémonie de repentance, le pape polonais fustigeait le rôle des mauvais chrétiens dans « l’athéisme », « l’indifférence religieuse », « le sécularisme », « le relativisme éthique » ou « les violations du droit à la vie ». Le pape considérait que certains maux actuels devaient être dénoncés. Jean-Paul II assimilait la sécularisation à un péché. Un ton différent de ce qui est professé aujourd’hui, où la perte de la foi des sociétés modernes n’est plus critiquée. Vingt-cinq ans après, on a bien changé de paradigme.

Communion pour les divorcés remariés ? La réponse ferme du Conseil pontifical pour les textes législatifs

Le débat sur l’accès des divorcés remariés à la communion eucharistique divisait déjà l’Église. Mais le 24 juin 2000, en la fête de la Nativité de saint Jean Baptiste, décapité parce qu’il avait refusé d’admettre l’adultère d’Hérode, Rome adopta un texte indiquant clairement que les divorcés remariés ne pouvaient accéder à la communion sur la base du canon 915 du Code de Droit canonique qui interdit l’admission à la sainte communion à ceux qui « persistent avec obstination dans un péché grave et manifeste ». Ce n’était certes pas une nouveauté mais la volonté nette de rappeler que le magistère de l’Église n’avait pas changé. Si on lit le texte de juin 2000, il est d’une clarté manifeste : l’interdiction dont sont frappés les divorcés remariés « dérive de la loi divine et transcende le contexte des lois ecclésiastiques positives » qui « ne peuvent introduire de changements législatifs qui s’opposent à la doctrine de l’Église ». Le texte fustigeait « la déformation des consciences » des pasteurs et rappelait que « toute interprétation du canon 915 qui s’oppose à son contenu substantiel, déclaré sans interruption par le Magistère et par la discipline de l’Église au cours des siècles, est clairement déviante. » Seize ans plus tard, un texte du pape François de 2016, Amoris Laetitia, se range ouvertement du côté de cette « interprétation déviante », certes de façon ambiguë et par le jeu d’une obscure note de bas de page… Pourtant, ce dernier ne s’était pas insurgé contre cette position quand il était juste archevêque de Buenos Aires. En 2007, le cardinal Bergoglio avait même fait adopter par les évêques d’Amérique latine réunis à Aparecida (Brésil) un texte sur l’évangélisation qui prenait le soin de rappeler l’impossibilité pour les divorcés remariés de communier.

L’année 2000 fut aussi incertaine pour la messe traditionnelle

Le motu proprio Traditionis Custodes du 16 juillet 2021, qui soumet le rite tridentin à un régime d’exception, inquiète. Pour certains, ce serait bien la fin du missel traditionnel et la disparition d’une frange de l’Église devenue importante. Mais on annonçait déjà en 2000 la fin de l’expérience traditionnelle à la suite de sévères recadrages romains. À défaut d’être partagée, la restriction du rite tridentin avait bien été soutenue par des prélats de la Curie qui, il est vrai, avaient forcé la main de Jean-Paul II. En 1999, il avait été rappelé que l’usage du missel traditionnel relevait d’une concession – soit, mais de quelle nature ? Une exception doit-elle interprétée de façon stricte ? Ce rappel brutal avait laissé craindre la disparition de la Fraternité Saint-Pierre, institut en communion avec le pape et dédié au rite tridentin. La tension était vive. Le refus de l’animosité à l’égard du missel traditionnel est dû à l’action du cardinal Castrillón Hoyos, proche de Jean-Paul II, qui, à la fin de l’année 2000, entama un rapprochement inédit avec la Fraternité Saint-Pie X. Quelques années plus tard, Benoît XVI fut élu. On peut ironiser sur l’expression « missel tridentin », qui oublie les révisions de 1962 et de 1965, mais le nouveau missel n’est pas non plus celui de 1969, de 1970 ou de 1975 : c’est celui de 2002. Jean-Paul II était réticent à une libéralisation du rite tridentin. Cela semblait encore impossible en 2001, quand le cardinal Hoyos disait au supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X de l’époque, Mgr Fellay, que c’était inconcevable. Ce fut pourtant possible sous Benoît XVI. Cela ne le fut plus sous François (mais au bout de huit ans de pontificat). Cela pourrait être à nouveau envisageable. Bref, l’histoire liturgique de ces dernières décennies est trop sinueuse pour que l’on puisse conclure à quoi que ce soit. On peut juste estimer que les choses s’apaiseront quand les esprits seront moins crispés et auront plus de recul.

En 2000, on ne parlait pas des scandales du clergé

On ne parlait pas encore des abus sexuels et des problèmes de mœurs du clergé, même si en 2001 un évêque français, Mgr Pican, allait être condamné pour non-dénonciation de crimes pédophiles. Une première en Europe. Comment expliquer ce silence ? Des années 1970 à 2000, l’enfouissement de certains scandales tenait lieu de démarche normale. Cela existait dans toutes les institutions, et pas seulement celles de nature ecclésiale. Même les anticléricaux n’attaquaient pas encore l’Église pour ses canards boiteux… Bref, à l’époque, tout le monde ne parlait pas des scandales, parce que le fait de les taire était vu comme la normalité. Il n’y avait pas non plus de réseaux sociaux pour libérer la parole. Et Internet était balbutiant. On mesure tout le chemin parcouru. Les catholiques de l’an 2000 avaient des illusions, mais ils avaient beaucoup d’espoir.

 

Illustration : 26 mars 2000, saint Jean-Paul II au Mur des Lamentations.

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