Dom Juan, séducteur subtil, iconoclaste, faussement tendre, danse au bord de l’abîme : « plonger au fond du gouffre. Enfer ou ciel, qu’importe ! » Sourd aux avertissements de son valet Sganarelle comme aux supplications d’Elvire qu’il avait enlevée d’un couvent, épousée puis abandonnée, il ne songe qu’à sa prochaine entreprise galante. Mais Dom Juan, c’est aussi l’art de l’argumentation convaincante, qui inspire le respect, où l’hypocrisie est maîtresse : « Soyons hypocrites, nous dit Dom Juan : ce vice privilégié vous fait entrer dans une “cabale”, profiter de son appui. On a même pour soi les dévots de bonne foi ». La violence de Dom Juan n’est-ce pas la révolte et la réponse de Molière envers les détracteurs de son Tartuffe ? Si la mise en scène de Jean-Philippe Daguerre s’habille d’une certaine couleur musicale qui peut surprendre avec le violoncelle pour Dom Juan, la trompette pour Sganarelle et l’accordéon pour les rôles féminins, elle reste néanmoins scrupuleusement fidèle au texte. Chacun des comédiens embrasse avec maestria son rôle et le tandem maître/valet se conjugue à merveille pour restituer toutes les failles du héros et, en même temps, un Sganarelle légendaire, bien rond, aussi drôle que couard. Un voyage au pays de Molière universel et intemporel qui fascine toujours autant !

Théâtre Ranelagh, 5 rue des Vignes, 75016 Paris. Location 01 42 88 64 44