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Diesbach est vivant

Un de nos meilleurs historiens s’est éclipsé peu avant Noël. Une messe d’intention a été célébrée à Sainte-Clotilde, sur le parvis de laquelle Boni de Castellane avait rossé de coups de canne son rival en 1908. Ghislain de Diesbach relate cet épisode dans sa magistrale biographie de Marcel Proust. En sortant de cette messe sans hommage et sur ce parvis glacial, on saisit quel a été le talent de l’historien : rendre vivant à nos yeux ce qui pour la plupart de nos contemporains est une matière morte.

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Diesbach est vivant

Ghislain de Diesbach, avec sa répartie légendaire, son port altier et ses cols anglais, nous a enchanté pendant un demi-siècle de ses anecdotes, maniant avec humour l’art de la conversation. Il le tenait sans doute de sa noblesse suisse, mais surtout de la fréquentation intime des personnages de salons dont il dresse le portrait dans ses livres : L’Abbé Mugnier, confesseur du Tout-Paris, La Princesse Bibesco ou Madame de Staël.

Mais loin d’être un aristocrate futile, il s’est hissé avec talent au rang des grands seigneurs de la littérature. Diesbach fréquente les salons parisiens dans les années 1960, comme celui de la duchesse de La Rochefoucauld et les dîners littéraires des Cahiers des saisons. Parmi les personnages passionnants qu’il a connus, l’un d’eux tient une place à part, son ami Philippe Jullian. Dessinateur, esthète et écrivain, Jullian l’a précédé dans la peinture littéraire de l’Avant-siècle : à son Robert de Montesquiou répondra La Princesse Bibesco de Diesbach vingt ans plus tard. L’admiration de Diesbach pour Jullian tient un peu de la fascination pour ce dandy qu’il n’a pas osé être, égaré comme lui dans un siècle qui n’est pas le sien. Jullian ayant mis fin à ses jours en 1977, Diesbach, fidèle, écrira sa vie et publiera son journal posthume.

Autodidacte, Diesbach laisse une œuvre dont la force d’évocation, l’élégance et la finesse d’esprit pourraient faire pâlir bien des Académiciens. Son Histoire de l’Émigration et sa biographie de Necker marquent son entrée dans l’histoire révolutionnaire. Mais c’est dans la biographie littéraire qu’il trouve sa pleine mesure, avec Proust ou La Princesse Bibesco. Son Chateaubriand est moins attachant, sans doute parce qu’il n’aimait pas l’écrivain de Combourg. En revanche, il affectionnait Jean d’Ormesson et le lui prouve un jour en l’approchant : « Tout le monde dit que vous vous prenez pour Chateaubriand. C’est une erreur : vous prenez Chateaubriand pour vous, et lui prêtez vos qualités ».

Mémorialiste et portraitiste

Diesbach aime « attraper les anecdotes au passage, comme un jeune chien qui happe les mouches ». Et pour avoir un peu trop écrit sur les autres, on en oublie qu’il est un mémorialiste de talent : Gare Saint-Charles raconte avec humour comment, étudiant, il fait son entrée dans la petite société d’Aix et se livre avec délice à une vie désœuvrée à Marseille. Il sait aussi être un redoutable portraitiste. Dans Le Goût d’autrui, il redonne vie à une étonnante galerie de portraits, saisissants de vérité comme ceux de Jean-François Chiappe et Mgr Ducaud-Bourget, ou brossés au vitriol comme la figure de Marie-Laure de Noailles.

Diesbach court de salons en dîners, mais ne laisse pas ses convictions au vestiaire. Il lui arrivera plus d’une fois de choquer ses convives, en révélant d’une voix flûtée son soutien au Front national. Après la mort de Jean-François Chiappe, il reprend la vice-présidence des Amis de Rivarol. Son Petit dictionnaire des idées mal reçues, jugé trop anticonformiste, est refusé chez Perrin et publié par Via Romana. Il participe au Livre noir de la Révolution française dans lequel il peint les massacres du 10 août 1792 qui frappent deux membres de la famille Diesbach, officiers des gardes suisses.

À partir de 2004, ayant lu Les deux Patries, Diesbach se rapproche de Jean de Viguerie avec lequel il nourrit une correspondance complice : « Nous livrons des combats d’arrière-garde, mais c’est là notre honneur » lui confie-t-il dans une de ses lettres.

Ghislain de Diesbach a été enterré en catimini, lui qui avait fréquenté le Tout-Paris. La bonne société lui a fait payer par le silence, le regard parfois cruel qu’il portait sur elle. « Rien n’est plus dangereux en France que d’avoir de l’esprit », avait-il écrit. Et maintenant qu’il est mort, on s’aperçoit que son œuvre est terriblement vivante.

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