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Daniel Prévost : philosophe déjanté du rire

Connu pour ses prestations télévisées dans Le Petit Rapporteur des années 70 et, de nos jours, par son goût de prendre à rebrousse-poil les animateurs emmerdeurs, Daniel Prévost est un saltimbanque français iconoclaste !

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Daniel Prévost : philosophe déjanté du rire

Le Petit Rapporteur fait décoller la carrière humoristique de Daniel Prévost, né le 20 octobre 1939, mais il est déjà présent sur les scènes de cabarets parisiens avec son ami Jean Yanne. Devenu réalisateur, celui-ci l’embauchera dans deux comédies d’une drôlerie irrésistible : Tout le monde il est beau, tout le monde est gentil (1972) et Les Chinois à Paris (1974). Dans le premier, Daniel Prévost, alias Sylvestre Ringeard (Ringard, on aura compris), campe un faux-cul arriviste de pointe, prêt à faire notamment le goûteur de boîtes pour chiens qui le rendent malade à crever. Il s’exécute toujours avec zèle et obséquiosité devant un patron injonctif, joué par Jean Yanne lui-même, qui veut une « Radio plus près de la Vérité » – du consommateur. Dans le second, Prévost interprète un collabo fanatique des Chinois pour finalement se transformer en faux résistant de la dernière heure demandant une épuration sanglante à l’endroit de ceux qui étaient ses camarades de la veille.

Daniel Prévost poursuit avec une allégresse son métier de comédien au théâtre dans des vaudevilles de Georges Feydeau (La main passe) et de Marc Camoletti (Duos sur Canapé). Il enchaîne également les navets – Y’a un os dans la moulinette de Raoul André (1974) ou Mon curé chez les Thaïlandaises de Robert Thomas (1983) –, qu’il faut distinguer des nanars, beaucoup plus créatifs et marrants comme dans La situation est grave… mais pas désespérée de Jacques Besnard (1976) où son rôle de commissaire de police complètement à côté de la plaque fait penser à sa composition dans Elle cause plus, elle flingue de Michel Audiard (1972).

Le Dîner de cons

C’est le film de Claude Berri, d’après le roman de Marcel Aymé, Uranus (1990), qui hisse Daniel Prévost au rang de grand acteur d’un cinéma à la fois comique et dramatique, grâce à son rôle de Brochard, un employé de la SNCF communiste. Il ne cessera plus de tourner des comédies populaires jusqu’à l’inénarrable Dîner de cons de Francis Veber (1998). Il y interprète le personnage de Lucien Cheval, un contrôleur fiscal inquisitorial et cocu. Un rôle de vrai méchant, tourné en ridicule, qui va faire rire la France entière. Prévost obtient le César du Meilleur second rôle masculin. Daniel Prévost interprètera de manière toujours hilarante un odieux homme d’affaire dans La Vérité si je mens ! 2 de Thomas Gilou (2001), dernière comédie de qualité.

Dans la très sérieuse émission de France 2, Ombre et lumière, présentée par Philippe Labro, Daniel Prévost se livre comme jamais : « Ma philosophie de l’absurde se fonde sur quelque-chose qui ne ressemble à rien et n’a aucun sens. La philosophie du Rien, aller jusqu’au bout du Rien ». Maître du jeu de mots qui ne veut rien dire, il ose dire en passant : « La vis comica, c’est une vis comme une autre ». Daniel Prévost est « un canard boiteux » qui exorcise ses tourments par la dérision et l’extravagance. Et de s’expliquer plus précisément, oscillant entre le vrai et le faux dans une surprenante prosopopée : « Rien dans la vie ne me fait rire. Il faut que je transpose la vie pour qu’elle me fasse rire. En quoi est-ce irrésistible la vie ? En rien. Il faut bien alors que je trouve de quoi me nourrir pour rire et vivre. Il ne faut surtout pas faire du sur place. J’écris et fais rire pour ne pas me tuer. Et je ne sais jamais où je vais, mais je sais qu’il faut que j’aille de plus en plus loin… Il faut vivre ».

Prévost contre Fogiel

Désormais, Daniel Prévost se déchaînera à chacune de ses prestations télévisées. C’est ainsi qu’il atteint le paroxysme de son être-rire dans l’émission de Marc-Olivier Fogiel, On ne peut pas plaire à tout le monde sur France 3, en 2004, alors qu’il est venu faire la promotion de son dernier livre au titre éloquent : Éloge du moi. Mais, il n’en sera pas question durant l’émission. En effet, d’entrée de jeu, Fogiel tente de lui infliger une grave psychanalyse. L’énergumène Prévost ne se démonte pas et le renvoie à ses chères études de journaliste-psy. L’échange se révèle houleux entre les deux hommes. Oscillant entre le vrai et le faux, du grand art, Daniel Prévost assène à un Fogiel plus narcissique que lui encore : « Tu t’aimes énormément. Je m’aime beaucoup. Je plais à beaucoup de gens. Toi, t’es un con, t’es un ringard, un ringard […]. Non, mais je fais un numéro encore une fois. Tu n’as pas compris puisque tu te défends. Moi, ça me fait plaisir de traiter les gens de “ringard”. Tu ne vas pas m’en empêcher. Dis-toi bien une chose, je n’attends rien de rien. Et surtout pas de toi ! ». Écorché vif, hurluberlu à tous crins, pitre fulgurant, Prévost est à la fois le clown blanc et l’auguste dans le cirque médiatique. Pour notre plus grand plaisir !

 

Daniel Prévost, Autobiographie de moi par moi. Le Cherche midi, 2022, 160 p., 17 €.

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