Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Le Premier Ministre devait annoncer de nouvelles mesures de durcissement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie coronovirale.
En fait, le 11 septembre au soir, il s’est plutôt montré minimaliste, au dépit de certains (tels le professeur Delfraissy, le président du conseil scientifique chargé d’éclairer le gouvernement sur les moyens de juguler la pandémie), et au soulagement de beaucoup de nos compatriotes, qui vivent désormais non seulement dans la terreur du coronavirus, mais tout autant dans celle de l’annonce des mesures drastiques qui se succèdent et s’accumulent depuis le début de l’été, réduisent leurs libertés, et font de leur vie, tant privée que professionnelle, un véritable chemin de croix.
Aujourd’hui, tous les Français circulent et travaillent masqués, respectent les gestes barrières, tétanisés, abrutis et rendus dociles par une propagande télévisuelle, informatique et radiophonique de tous les instants qui les incite à se protéger et à protéger les autres. Les cas de relâchement et d’insubordination sont exceptionnels, les contestataires rares, systématiquement dénigrés (assimilés à des élucubrateurs, des inconscients, des têtes légères, des irresponsables, tous manipulés par des « complotistes » et surtout par l’ignoble extrême droite), intimidés, et privés de moyens d’expression et de communication. Les Français obéissent au doigt et à l’œil au gouvernement et vénèrent la parole sacrée du conseil scientifique. Les journaux télévisés leur montrent à qui mieux mieux des citoyens qui, interrogés dans la rue, se disent d’accord avec toutes les mesures de contraintes décidées par les pouvoirs publics ; artifice obtenu par un grossier subterfuge consistant à ne pas montrer les mécontents, ce qui permet au reporter de déclarer que « ces mesures sont plutôt bien accueillies dans l’ensemble » (ben voyons). En outre, les contrôles ont été renforcés aux frontières et dans les aéroports.
On pourrait donc s’attendre, au terme de tant d’obligations pénibles patiemment supportées, et d’un tel matraquage, à une régression de l’actuelle épidémie. Or, contre toute attente logique, celle-ci ne cesse de progresser. L’accumulation des contraintes instaurées et des « tours de vis » ne contribue en rien à l’enrayer ; on dirait même que le virus prend un plaisir narquois à les ignorer, en manière de provocation.
Dans ces conditions, il paraît tout naturel, logique, et on ne peut plus légitime, de se poser des questions sur la politique suivie par nos dirigeants. Point n’est besoin d’être rebelle par nature, irresponsable, indiscipliné ou égoïste pour se demander si cette politique est efficace, si elle la bonne façon de lutter contre la pandémie ; et point n’est besoin d’une intoxication « complotiste » ou d’une intervention activiste de l’extrême droite (ou de l’extrême gauche anarchiste) pour subir la tentation de la contester. Il serait temps que nos gouvernants et leurs conseillers médicaux s’interrogent et songent à se remettre en question.
Mais une telle attitude leur demeure parfaitement étrangère. Ils circulent dans une voiture sans marche arrière, sur une route droite, sans tournant ni virage. Plus la situation empire, plus les mesures contraignantes s’accumulent. À chaque accroissement du nombre de porteurs ou de malades du coronavirus, les pouvoirs publics ne voient d’autre solution que de donner un « tour de vis » supplémentaire. Jusqu’à ce que la vis, serrée à mort, ne puisse plus l’être davantage. Et c’est ce qui explique que, contre toute attente, Jean Castex n’ait pratiquement pas annoncé, le 11 septembre, de nouvelles mesures de contrainte, contrairement à ce que semblait souhaiter Jean-François Delfraissy.
L’explication des pouvoirs publics. C’est là reconnaître les limites de la politique coercitive suivie depuis le début de l’été. Dès lors, ne serait-il pas bienvenu de songer à en changer, et, pour commencer de chercher à savoir pourquoi celle-ci a (totalement ou partiellement, comme on voudra) échoué.
Et ici, une première piste nous est donnée par la comparaison entre le nombre des « positifs » au coronavirus et celui des malades de la Covid 19 hospitalisés. Manifestement, il existe une distorsion entre les deux chiffres. Le ministère de la Santé et les médecins qui le conseillent expliquent ce phénomène par la forte prépondérance des jeunes parmi les nouveaux contaminés. Ces derniers, plus résistants, développeraient des formes de Covid 19 insuffisamment graves pour nécessiter leur hospitalisation. Au contraire, les personnes âgées seraient, en raison de leur prudence et de leur mode de vie, moins mouvementé, moins exposées que leurs cadets. Cela dit, ministère et médecins affirment que le taux d’hospitalisation augmente tout de même, et craignent que les jeunes positifs à la Covid 19 contaminent leurs aînés, plus vulnérables, dans le cadre des relations familiales, notamment.
L’évolution de la pandémie. Un coronavirus devenu moins virulent malgré sa dangerosité. C’est une explication. Il en existe d’autres. L’une d’elles est donnée, en juillet dernier, par la revue américaine de biologie cellulaire Cell, suivant laquelle le coronavirus aurait subi une mutation qui le rendrait beaucoup moins virulent qu’auparavant. Selon l’étude menée par les tenants de cette explication, le coronavirus du premier semestre de cette année 2020 se serait répandu dans le monde sous la forme particulièrement dangereuse du virus G614 (appelé aussi D614G), puis, par mutation, serait devenu moins virulent, mais aussi, par là même, plus transmissible. Cette théorie est notamment défendue par Paul Tambyah, un microbiologiste de Singapour. Dans cette optique, maints biologistes et médecins affirment que le coronavirus pourrait connaître la même évolution que le SARS COV 1, caractérisée par une atténuation constante de sa virulence au fur et à mesure de ses mutations successives
Le coronavirus est-il devenu moins virulent ? Cette hypothèse rencontre les réserves des Européens. En France, Karine Lacombe, médecin et microbiologiste, en souligne le caractère aléatoire. Et, comme elle, la plupart des scientifiques français et européens affirment que cette hypothèse d’une atténuation sensible et irréversible de la virulence du coronavirus n’est pas prouvée. Les médecins et microbiologistes qui affirment, à l’instar du docteur Patrick Bellier, pneumologue à Sainte-Foy-lès-Lyon, et du professeur Éric Raoult, médecin et biologiste à Marseille, que l’épidémie est pratiquement terminée et que les personnes contaminées par le coronavirus ne sont ni sérieusement malades ni dangereuses pour les autres, sont isolés (ce qui, soit dit en passant, n’implique pas, de toute nécessité, qu’ils aient tort). Mais, assurément, nous assistons à une évolution de l’épidémie. Le coronavirus, quoique toujours infectieux et contagieux, ne présente plus le même degré de dangerosité qu’au printemps dernier. Ses mutations successives expliquent sans doute largement ce changement. D’autre part, il n’est pas déraisonnable de penser – même si cela reste à prouver, convenons-en – que le système immunitaire et défensif de l’organisme finisse par jouer son rôle et parvienne à juguler tant bien que mal les effets de ce virus, contre lesquels il se trouvait désarmé au début de la pandémie. Certes, on sait que la stratégie d’immunité collective adoptée par certains pays a échoué. En Europe, les Pays-Bas l’ont assez vite abandonnée, et, en Suède, ses résultats se font dramatiquement attendre, cependant qu’explosent les chiffres de contamination et d’hospitalisation. Mais ces pays l’avaient adoptée (comme d’ailleurs la Grande-Bretagne ou le Brésil) au début et au plus fort de la pandémie, et alors que le virus circulait sous sa forme la plus dangereuse. La situation est différente aujourd’hui. Le virus a muté, est devenu moins nocif, et la politique de lutte contre sa propagation a permis de contenir l’épidémie. Toutes les mesures de protection et de contraintes possibles et imaginables ont été prises, et on ne voit pas quels « tours de vis » supplémentaires seraient possibles, ni de quelle efficacité ils pourraient être.
Un possible et très graduel assouplissement de la politique de contrainte. En conséquence, il semble que la seule voie désormais possible et raisonnable soit celle non certes d’un net relâchement (voire d’un abandon) des mesures contraignantes adoptées, mais leur très graduel assouplissement qui permettrait à notre système immunitaire de jouer son rôle (un moment perturbé par l’explosion de la pandémie, au printemps), facilité par le fait qu’il doit désormais réagir à un virus qui a perdu beaucoup de sa dangerosité. Ce serait là une attitude réaliste, qui tiendrait compte de l’évolution du fléau depuis deux mois.
Mais une telle option est difficile à faire comprendre dans notre pays. Habitués à être traité à la mode jacobine, nos compatriotes n’accordent de crédit à l’État que lorsqu’il se manifeste par une intervention massive faite de mesures drastiques présentées comme seules efficaces et protectrices. Ils n’ont confiance qu’en l’obligation, la contrainte et l’uniformité (sans oublier l’uniforme). Et, quoique théoriquement enclins à l’égalitarisme, ils manifestent le plus grand respect pour leurs élites politiques et savantes (en l’occurrence médicales), recrutées, il est vrai (et ils le croient très fort) suivant les principes et les bonnes pratiques de l’élitisme républicain fondé sur l’École. Ils sont donc habitués à obéir sans discuter à ces élites, et à être conduits par un État gendarme, surtout si ses décisions sont inspirées par des autorités scientifiques, comme tel est présentement le cas. Petit doigt sur la couture du pantalon, visage fermé, maxillaires bloqués, ils approuvent la coercition et le verrouillage de la pensée et de la liberté d’expression, malgré leur réputation d’indiscipline et d’individualisme. Aussi, en matière de lutte contre la pandémie actuelle, ils n’accordent leur confiance qu’au port du masque et aux « tours de vis » successifs, et se prosternent devant les Jean-François Delfraissy, Anne-Claude Crémieux, Karine Lacombe et autres Jimmy Mohamed, partisans des mesures les plus « difficiles », suivant l’expression du premier cité ici. Or, ces mesures, peut-être nécessaires un moment, n’enrayent pas la pandémie et risquent de générer des effets contre-productifs, dans la mesure où elle ignorent délibérément la réalité de la mutation récente du coronavirus ; et elles peuvent entraver l’adaptation de notre système immunitaire naturel à la situation présente.