L’album de Floc’h suscite une vive polémique au sein de la grande communauté des fans de Blake et Mortimer, et même des confrères de Floc’h. Comme cet album est dessiné en Ligne claire (ce style forgé par Hergé et théorisé par Joost Swarte), nombre de lecteurs, de dessinateurs et scénaristes de BD, sont partagés. Ils ne reconnaissent pas en Floc’h un héritier de Jacobs (ce qu’il ne revendique nullement) et commentent avec fougue la façon dont l’album est conçu. C’est que le livre a de quoi susciter le débat : les mises en pages complexes de Jacobs ont laissé cette fois la place à des grandes cases, réalisées comme des petits tableaux, dans le style auquel Floc’h nous a habitué : une ligne claire très (trop ?) épurée, d’amples traits de pinceaux et des couleurs étonnantes. La pagination, elle aussi, peut étonner : l’album fait plus de 120 planches. Nous nous contenterons ici de dire que le pari de Floc’h est réussi : il a fait un « pas de côté » et dessiné son Blake et Mortimer comme il l’entendait. Sans contrainte liée à la série principale, sans pagination à respecter et en toute liberté. Les références sont nombreuses. À l’œuvre de Jacobs, bien sûr, mais aussi à Warhol, Hopper, Lichtenstein, Mondrian… Floc’h est particulièrement à l’aise avec les dessins des héros, qu’il reproduit, de page en page, avec brio. Certains ont critiqué le manque d’action dans le livre : c’était oublier que Floc’h s’est promis depuis des décennies de ne dessiner que des héros typés et non-actifs. À nos lecteurs de décider si cet album deviendra un classique, avec ses qualités nombreuses et ce qui apparaît à ses détracteurs comme des défauts mais qui sont la signature d’un auteur décidément à part.

Floc’h, Fromental et Bocquet, L’Art de la Guerre, Dargaud, 128 p., 23 €.