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BD pour tous

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BD pour tous

Pour enfants et adolescents…

Après l’histoire de l’immortelle baleine qui portait le monde des hommes sur son dos et faillit mourir parce que le dieu corbeau lui dévorait le cœur, Séverine Gauthier et Yann Dégruel continuent leur série inspirée des mythes amérindiens, Haïda, avec Frères Ours (Delcourt jeunesse ; 48 p ; 14,90 €.)

Deux enfants, après avoir entendu l’histoire d’une jeune fille perdue dans la forêt et enlevée par un ours qui en fit son épouse, décident d’aller au devant de l’animal sacré. Mais s’enfoncer dans l’immense forêt ne va pas sans péril ; rencontrer l’étrange peuple des Hommes Ours encore moins … Prisonniers du chef, l’un des fils de la squaw disparue, les enfants se voient chargés par lui d’une mission impossible : savoir ce que sont devenus sa mère et son frère ramenés de force vers le monde des humains.

Yann Déruel déploie dans ses planches un talent rare, un sens de la couleur, du dessin, de la beauté qui subliment ces contes où la nature était intacte et harmonieux les rapports des hommes avec elle. L’on prendra garde cependant que l’on se meut ici dans un univers de magie chamanique très éloigné de notre culture chrétienne.

L’on peut faire un reproche identique à un autre album de Séverine Gauthier, L’Homme Montagne (Delcourt jeunesse ; 40 p ; 14,90 €), pareillement détaché, en dépit de ses qualités, de toute référence religieuse.

Le vieil homme est allé au bout de ses forces. Ainsi qu’il le dit délicatement à son petit-fils qui partage sa vie, les montagnes que les épreuves et les années ont accumulées sur son dos sont devenues trop lourdes à porter, il ne peut plus marcher. L’enfant devra continuer seul sa route. Mais l’enfant s’y refuse et décide de trouver un moyen de remettre son grand-père sur ses pieds. Il montera au plus haut sommet du monde y quérir l’aide du vent le plus puissant, celui « capable de soulever les montagnes ».

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Faut-il le rappeler ? C’est la foi, non le vent, qui soulève les montagnes. Du coup, la quête héroïque du petit garçon pour sauver le vieil homme est d’avance vouée à l’échec. Le mystère de la mort s’en trouve escamoté et c’est dommage car l’approche poétique ne manquait pas d’intérêt. Quant au dessin d’Amélie Fléchais, il oscille entre une laideur dérangeante dès qu’il s’agit de tracer des traits humains, et une joliesse exquise pour créer de petits personnages à partir d’un caillou, d’un arbre ou d’un animal. Entre grâce et cauchemar, l’on hésite, perturbé et pourtant séduit …
L’offrande, premier tome de L’ombre inca de Benoît Roels (Delcourt ; 48 p ; 14,95 €.) s’adresse en principe aux adolescents.

Adoptée enfant au Pérou, Léa est une adolescente en crise. A en croire les psychiatres, elle souffre du syndrome d’Asperger, ce qui fait d’elle une autiste surdouée et incontrôlable. Obsédée par le désir de revoir sa terre natale, a-t-elle inventé le rêve récurrent qu’elle raconte à sa mère adoptive, archéologue spécialiste des civilisations précolombiennes ? Ou bien Léa est-elle réellement hantée par l’âme en peine d’Iloa, jeune aristocrate inca que son père décida de sacrifier aux dieux pour le salut de leur pays menacé par l’envahisseur espagnol ?

Ce premier tome d’une trilogie est une incontestable réussite mêlant les destins de Léa, déracinée, inadaptée, malheureuse et rebelle, et d’Iloa, emportée dans la débâcle de son monde et sa famille. Le récit est bien mené, le dessin excellent, les couleurs chatoyantes. Quelques scènes de sexe, quoique discrètes, peuvent cependant inciter à ne pas l’offrir aux plus jeunes.

…et pour les grands

Jack Palmer, le célèbre détective privé de L’enquête corse et autres impérissables chefs d’œuvre, vient d’être engagé par un riche homme d’affaires afin de lui servir de garde du corps pendant un bref séjour sur une île bretonne. (René Pétillon : Palmer en Bretagne ; Dargaud ; 56 p ; 13,99 €.)

Las, à peine débarqué, Palmer, dans l’ignorance du phénomène des marées, se fait piéger sur un rocher inaccessible. Réduit à l’impuissance jusqu’à la prochaine reverse, il ne peut qu’assister impuissant, de loin, aux catastrophes qui vont transformer ce séjour pour milliardaires en petit cauchemar. Tandis qu’un vandale lacère une inestimable toile post-moderne, qu’un des hôtes est retrouvé mort le nez dans les algues vertes, que le petit personnel s’insurge et qu’un mareyeur local paraît prêt à tout pour se faire payer ses homards, les invités découvrent, à leur vif déplaisir, le climat breton estival, les joies de l’élevage intensif de porcs, et s’encanaillent dans un fest-noz où le kig ha farz tandoori a déjà empoisonné la moitié de la population…

Drôle ? Oui, par moments, même si quiconque possède ne serait-ce que deux gouttes de sang breton éprouve, en refermant l’album, une sourde rancune envers Palmer et Pétillon.

Soyons sérieux et revenons aux « heures les plus sombres de notre histoire »… Février 1943 : un à un, en vingt-quatre heures, tous les membres d’un réseau de résistance parisien sont arrêtés, assassinés, fusillés ou déportés. Quelques-uns, pourtant, survivront. Tous étaient francs-maçons et appartenaient à la loge La rose silencieuse, du même coup anéantie.

Huit ans ont passé. Les rescapés ont tenté de refaire leur vie et d’oublier. C’est pourquoi le courrier les convoquant à la tenue qui doit célébrer la résurrection de leur loge leur cause plus d’embarras que de joie. En fait, le vrai motif de la convocation est tout autre : huit ans plus tôt, l’un d’eux a trahi. L’heure est venue de le démasquer.

Tout cinéphile, à la lecture de ce résumé, éprouvera un sentiment de déjà vu. Et pour cause puisque l’intrigue de Sept Frères de Didier Convard, Jean-Christophe Camu et Hervé Boivin (Delcourt ; 56 p ; 14, 95 €.) ressemble furieusement à celle d’un classique des années 60, l’excellent Marie-Octobre, mais transposée dans le milieu des loges maçonniques, présentées sous leur jour le plus séduisant, bien sûr, peuplées, à l’exception du traître, par des hommes purs, droits, intègres, désintéressés, talentueux, éventuellement homosexuels, ce qui ajoute à leur charme …

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Inutile de dire que la relecture perd en crédibilité historique, si elle gagne en conformité avec les idées de notre époque. C’est tellement simpliste que cela en perd tout intérêt, ou presque.
L’on peut faire pire, à preuve Les anges de Nostradamus, tome 1 de la nouvelle série Arthus Trivium de Raule et Juan-Luis Landa (Dargaud ; 48 p ; 13,99 €.)

Salon de la Crau, 1565 : Nostradamus est désormais un vieil homme que l’âge et une santé déclinante ont éloigné de la Cour. Retiré en Provence, il continue de vaticiner et rédiger ses Centuries hermétiques mais s’est adjoint les services de « disciples » qu’il charge d’élucider à sa place les énigmes qui lui sont soumises. Ce quotidien est bouleversé quand un mystérieux messager livre un paquet contenant deux figurines que le maître sculpta jadis pour ses enfants, morts de la peste des décennies plus tôt … Quelle sombre vengeance se trame contre Michel de Nostredame dont les protégés pourraient, les premiers, faire les frais ?

Il y a le dessin, admirable, de Juan-Luis Landa : tout est splendide, depuis la reconstitution historique jusqu’aux visages trop souvent maltraités par la bédé.

Et puis, hélas, il y a tout le reste … c’est-à-dire l’ordinaire déferlement de haine contre l’Église -ici un évêque pédophile …- , la réalité historique malmenée, l’ésotérisme au petit pied, le diable, le sexe, la mort, la peur, la superstition, ressorts habituels d’intrigues aberrantes auxquelles avec la meilleure bonne volonté du monde, l’on ne peut adhérer. Quel dommage d’avoir associé tant de talent et tant d’inanité …

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