Barbe bleue, inspirée du roman d’Amélie Nothomb, revisite le conte populaire de Charles Perrault. Si le fond du texte est respecté, oublions la forme édulcorée de l’histoire initiale, ici nous sommes loin du merveilleux. Saturnine, jeune femme vive d’esprit et passionnée d’art répond, à une annonce de colocation. Nous apprenons très vite que les huit dernières colocataires ont disparues de façon mystérieuse. Présentée au maître des lieux, Don Elemirio Nibal y Milcar, un grand d’Espagne, ce dernier lui propose d’être la neuvième colocataire à partager l’appartement pour un prix dérisoire, la seule condition étant de ne pas transgresser l’interdiction d’entrer dans l’une des pièces.

Dans cette adaptation, pas de barbare sanguinaire ni de jeune fille innocente. Malgré la réputation de son logeur, Saturnine, vindicative et pleine d’aplomb, est décidée à percer le mystère de cet étrange aristocrate solitaire et cultivé (inquiétant malgré tout).

Une relation cérébrale et sensuelle

Au cours de leurs dîners, dans un huis clos luxueux, s’engage peu à peu, entre les deux érudits une joute verbale sans merci, finement ciselée, où s’invite l’humour et s’emballe le suspens suscitant d’emblée l’intérêt du spectateur. Le lien qui unit les deux personnages restera jusqu’au dénouement une relation cérébrale et sensuelle à la sexualité jamais consommée. Cette adaptation de Frédérique Lazarini, où le réel donne le bras à la fantaisie et au fantastique, comme le plus souvent dans les œuvres d’Amélie Nothomb, impulse une réflexion profonde sur le respect du jardin secret de l’autre : doit-on tout savoir ? et jusqu’où va la confiance que l’on peut lui accorder ? La mise en scène élégante et l’intelligence portée par la puissance de jeu des comédiens, géniaux dans leurs rôles respectifs, nous emporte. Lumières, décors et costumes servent à merveille l’univers baroque de la romancière.

Artistic Théâtre, 45 rue Richard Lenoir, 75011 Paris. Réservation : 01 43 56 38 32