Quand Viollet-le-Duc demanda à Adolphe Geoffroy-Dechaume, en 1857, d’imaginer pour Notre-Dame seize statues, les douze apôtres et les symboles des quatre évangélistes (et un coq pour couronner le tout), il n’imaginait pas l’extraordinaire bonne fortune dont elles jouiraient : déposés peu avant l’incendie, elles sont intactes !
Et on peut désormais toutes les admirer à Paris, longilignes et brillantes, fraîchement restaurées et placées au milieu des moulages de Notre-Dame dans le spectaculaire musée des Monuments français… fondé par Viollet-le-Duc en 1879 et dirigé par Geoffroy-Dechaume.
Les statues sont brunes, avec une patine bronze, en accord avec les photos les plus anciennes, et non pas vertes : le cuivre oxydé a été nettoyé (« L’enveloppe en cuivre a ensuite été soigneusement nettoyée, complétée puis remise en place. Enfin, la teinte vert-de-gris recouvrant les statues a été enlevée par micro-gommage à la poudre d’abricot »), les armatures métalliques entièrement reprises (les statues sont creuses : « les armatures en fer ont été extraites, restaurées ou remplacées à neuf pour 20 % puis isolées par du téflon afin de supprimer tout risque d’électrolyse entre le cuivre et le fer »), et seul le coq, qui n’avait pas été enlevé, est resté dans son état incendié, vert, fondu et cabossé mais toujours bec ouvert pour chanter la gloire de Dieu.
Il s’établit un vrai dialogue entre les statues immenses (plus de trois mètres) descendues de la flèche et les moulages, dont les statues médiévales qui servirent de modèle à Geoffroy-Dechaume. Les apôtres aux poses hiératiques contemplent de près la foule des visiteurs, à défaut des fidèles, et les visiteurs découvrent ce que personne ne pouvait voir : la finesse des visages, expressifs, l’élégance des attitudes, et ce canon allongé, voulu par le sculpteur qui tenait compte des effets de perspective. L’exposition présente aussi nombre de documents permettant de comprendre tout le travail de l’architecte et de l’artiste autour de la flèche et de son décor. On ne peut qu’être saisi par la grâce de saint Jude et l’expression de saint Thomas (qui a le visage de Viollet-le-Duc). Profitez-en vite, bientôt les statues repartiront pour Notre-Dame et ces saints, ce coq, ce lion et ce taureau, descendus comme des apparitions, connaitront une nouvelle ascension.
Hommage à Notre-Dame de Paris – La flèche de la cathédrale et ses sculptures. Cité de l’architecture & du patrimoine. © Cité de l’architecture & du patrimoine – Franck Renoir