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Ainsi revient L.-F. Céline, 60 ans après son départ

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Ainsi revient L.-F. Céline, 60 ans après son départ

Il l’avait écrit dans son récit halluciné et hilarant de la fin de la deuxième guerre mondiale : « Faut qu’on me rende ! ». Les libérateurs avaient pillé sa demeure, emporté ses manuscrits, une version de Mort à Crédit, la quasi-totalité de Casse-pipe et un roman inédit, Londres, qui est peut-être une version de Guignol’s Band ou bien carrément une autre. Nous avions mis, nous lecteurs, ces propos sur le compte d’une fièvre littéraire, « son petit 38,5° », si nécessaire à l’écriture… et puis, maintenant, nous savons que c’était vrai. Ce vol s’est doublé d’un recel qui a duré plus d’un demi-siècle… Et puis, comme tout finit par accomplir sa destinée, les voici, ces pages volées, qui viennent faire l’événement littéraire, judiciaire et historique de l’année. Que dis-je, de l’année, il faut dire de la décennie qui vient. « Ce passé qui ne passe pas », nous le recevons en pleine tête mais pas selon la voie convenue… plutôt de l’autre côté de l’histoire officielle. C’est normal. Céline n’a-t-il pas commencé en écrivant « il suffit de fermer les yeux, c’est de l’autre côté de la vie ».
L’histoire officielle de la Deuxième Guerre mondiale a accumulé les écrits qui se recopient les uns les autres, dans une monotonie qu’aucune contre-enquête ne peut entamer sans risquer les foudres de la justice.
Mais voici que par-dessus ces lois, en les transgressant par la simple force du génie, un mort qui ne l’était pas vient renouveler le lecture de l’histoire. « Mort, où est ta victoire? ». Au cimetière des Longs-Réages à Meudon, non loin de la maison où Lucette lui succéda si longtemps, une tombe marque le lieu et le temps. Mais l’inscription temporelle de l’écrivain n’est pas celle de l’état civil. L’écrit écrase le temps. Le génie des mots refait l’histoire : « Que restera-t-il de cette guerre dans trois mille ans ? Mes bouquins ! » Que reste-t-il de la guerre de Troie sinon la chanson d’Homère? Que reste-t-il du paganisme antique sinon les métamorphoses du poète qui s’écrie à la fin de cette somme théologique : « Et moi, je vivrai » ! Les dieux sont morts et le poème d’Ovide est toujours vivant.
Ce retour de l’écrivain maudit dit l’immortalité terrestre de l’esprit humain et la noblesse quasi divine de l’écriture. Ces pages délavées attachées avec des pinces à linge pulvérisent le tout numérique. Les poncifs de l’instant explosent devant l’irruption de cette chose si simple, si humble et si magnifique : le style.
Le style, c’est l’homme ! Et le style défie la mort, la puissance matérielle et politique, les lois des dirigeants. Il renverse les trônes et il élève les humbles.
Le vieux médecin des pauvres, à Meudon, qui connaissait si bien les finesses : « Je suis le fils d’une ravaudeuse de dentelles anciennes, je sais distinguer le Valenciennes du Bruges, et le Bruges de l’Alençon… Ces choses-là, il faut s’en occuper dans son petit laboratoire intérieur… pour les retrouver, il faudrait une grande révolution anti-matérialiste… »
Et si elle commençait, cette révolution anti-matérialiste, par ce retour inattendu et invincible ?
Ainsi Dieu écrit-il, par des voies qui nous échappent, l’histoire des hommes.

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