Civilisation

Un écrivain maudit au Japon
Après nous avoir donné le splendide Grandeur et décadence des Caligny, Muriel de Rengervé nous emmène ce coup-ci au Japon. Mais il y a très peu d’exotisme, nous ne sommes pas chez Loti.
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
« Et puis, j’ai commencé à te raconter une histoire, ton histoire, le récit de ta famille et de ta jeunesse. J’ai parlé pendant longtemps, très longtemps, recherchant les souvenirs que tu m’avais confiés et les anecdotes d’oncle Johannes. Je me remémorais aussi tout ce que j’avais lu dans les mémoires de Tante Atta. J’essayais de prolonger cet instant le plus possible. Je pensais te faire du bien, mais en fait, je crois que c’est moi qui en avais le plus besoin. »
C’est par ces lignes, tracées à l’encre indélébile de l’amour filial, que Monique de Sinety clôt l’épilogue de son premier livre : Immendorff. Dès les premières pages, le lecteur est emporté, transporté en Autriche, pour y être plongé au cœur de la vie de la famille von Freudenthal. Convoquant l’ombre de ceux qui l’ont précédée, l’auteur nous invite à vivre en compagnie de Rudolf, Harriet, Carl, Atta, Rudi, Hessi, Tetti, pour en mieux partager les espoirs, les peurs, les joies, les pleurs. Trois cents pages durant, nous sommes entraînés dans un récit aussi étourdissant que déchirant, parcourant un demi-siècle d’histoire : de l’après-guerre encore illuminée du soleil pourtant éteint des Habsbourg à la brutalité de l’invasion soviétique, en passant par la douleur de l’Annexion et l’horreur de la guerre. Immendorff, c’est un univers qui se déploie devant nos yeux avant de se dérober sous nos pieds, ensevelissant avec lui fastes et austérités, grandeurs et malheurs passés et laissant place à un monde où se sont perdus et le sens de l’honneur et celui du courage.
Par sa plume, élégante et claire, Monique de Sinety vole au secours du passé de sa mère – Tetti, comme aimaient à l’appeler les siens – pour en conserver précieusement la trace ; de ce passé au souvenir duquel sainte Thérèse d’Avila disait que l’on est pareils à des oiseaux dont se brisent les ailes. Plus qu’un passionnant voyage dans le temps, plus qu’un simple récit familial, Immendorff est l’accomplissement d’une quête qui, en libérant les fantômes du passé, guérit des blessures du présent.