Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Ce dossier, décidé avant que les Gilets jaunes ne lui donnent une légitimité certaine, veut brièvement reposer le problème de la France. La France non pas considérée comme le vecteur des ambitions macroniennes ni comme un “hexagone” théorique, un espace virtuel pensé et contrôlé par des ministères parisiens, mais comme la somme historique d’organisations sociales lentement élaborées et sédimentées : les communes, les régions – pas les monstres administratifs actuels, agglomérats dont les administrés n’ont qu’une vague conscience, mais les “pays”, comme on disait, les petites patries où les architectures, les noms et les usages signalaient une histoire commune et des influences extérieures prudemment distillées. Cette France des communes existe encore, un tiers du pays y vit, ce qui est considérable ou dérisoire, selon qu’on considère que la métropolisation est inéluctable ou que l’enjeu du siècle à venir est la reconquête de ces espaces désertés par les pouvoirs publics. À considérer les révoltes en cours, qui ne sont pas seulement celles, spectaculaires, des Gilets Jaunes, mais aussi celles des élus locaux qui n’en peuvent plus des tutelles parisiennes et le font savoir au même gouvernement central, cette hypothèse n’est pas folle. À considérer la ferveur et l’imagination avec laquelle certains élus défendent “leur” territoire, on comprend que si l’étau jacobin se desserrait et si Paris apprenait à faire confiance à des corps intermédiaires qui ont prouvé au long des siècles leurs capacités et leurs utilités, la réforme territoriale, qu’il s’agisse d’une véritable décentralisation des compétences ou d’une véritable autonomie financière, pourrait se réaliser avec les populations et pour les populations. Mais à considérer la manière dont l’État s’acharne à vider les communes de tout pouvoir, de toutes compétences et même de tous services, on mesure que ni la colère ni l’enthousiasme n’y suffiront : il faudrait, là aussi, une remise à plat des mécanismes du gouvernement pour retisser les liens sociaux horizontaux et éviter que le citoyen ne se retrouve seul face à l’État, et les Français entièrement dépendants d’un pouvoir qui organise d’abord son maintien et sa reconduction.