La visite de Delphes est étonnante, et pas seulement par la majesté du paysage : le visiteur est ému par le témoignage inscrit dans ces pierres de la piété antique, du souvenir de la Pythie et des oracles, et par les ex-voto émouvants que l’on peut encore y trouver. On y prend conscience que ce temple dédié au fils de Zeus, Apollon, était, il y a des millénaires, un lieu de culte et aussi de pèlerinage, de prières et de processions.
Il est curieux de se rappeler que le mot pèlerin par son origine latine signifie d’abord étranger, voyageur : il semble bien que l’histoire de ce mot témoigne que l’homme se sent, selon son tempérament et les circonstances de sa vie, plus ou moins étranger sur cette terre, le pèlerinage étant une manière de se souvenir de son intime parcelle de divinité !
Le christianisme est une grande religion de pèlerinage, et innombrables sont les lieux de vénération qui perpétuent le culte de la Vierge Marie et des saints.
La sécularisation de la société contemporaine, ainsi que la baisse de la pratique religieuse n’empêchent pas que des millions de pèlerins se déplacent à Lourdes, à Fatima, à Medjugorge, sur les chemins de Saint-Jacques… Ces derniers voient passer chaque année plusieurs centaines de milliers de marcheurs, vélocipédistes, cavaliers, qui parcourent tout ou partie des itinéraires sillonnant l’Europe entière, dont la plupart sont connus et fréquentés depuis le IXe siècle !
Le pèlerinage de Chartres connaît une affluence considérable, au moins vingt mille personnes, si l’on considère qu’il se déroule sur trois jours et au long de plus de cent kilomètres à pied entre Notre-Dame de Paris et la cathédrale de Chartres pour les uns et en sens inverse pour les autres.
Les pèlerins sont répartis en plusieurs centaines de « chapitres » dont la composition tient compte des âges, et des origines des marcheurs : au bilan, la moyenne d’âge cette année était de 21 ans ! Beaucoup d’enfants en effet participent au pèlerinage, en marchant à leur rythme et à leur mesure. Le thème choisi pour cette année était « Saint Joseph, père et serviteur ».
Le cardinal guinéen Robert Sarah, qui présidait la messe de clôture à Chartres a prononcé une homélie vibrante, tournée tout entière « vers le Christ, notre Orient, notre Tout, notre unique horizon ». Il a aussi lancé cet émouvant appel : « Aujourd’hui aussi, toi, peuple de France, réveille-toi, choisis la Lumière, renonce aux ténèbres ! » Il s’est adressé bien sûr à la jeunesse si présente autour de lui, en l’incitant à « retourner aux sources, dans les monastères ». Il a également magnifié le célibat des prêtres. Le recueillement des pèlerins parmi lesquels on remarquait nombre de jeunes prêtres, la magnificence des ornements et de la liturgie sous les voûtes lumineuses de la cathédrale disaient assez combien l’Église catholique, apostolique et romaine conserve et fait vivre en, dépit de tout, la semence du Salut Éternel !
Qu’il soit allé à Delphes, à Olympie, ou à Ephèse, qu’il aille aujourd’hui à Pontmain, La Salette, Lourdes, Medjugorge, ou même à La Mecque, le pèlerin porte en lui quelque chose de grand : la ferveur des petits et surtout des humbles, le pèlerin de condition modeste, dans son désintéressement, dans la simplicité de ses demandes et dans la pudeur de son cœur, dans sa faiblesse même, il est le porte-parole de notre misère, mais aussi le témoin de notre grandeur.