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Maître du monde ?

Il serait temps de sortir des rêves conceptualisés par des théories fumeuses pour voir la réalité en face. Oui, le monde change mais pas comme on le prétend.

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Maître du monde ?

Donald Trump est-il le maître du monde ? Une sorte de fou narcissique tel que le dépeint la presse occidentale, qui se livre à des impulsions sans cohérence et qui risque de faire exploser la planète ? Cette explication simple, et sans doute trop simpliste, ne rend pas compte, sinon du personnage, du moins de son action. L’observateur attentif et qui tient compte de ce qu’il dit et de ce qu’il fait, ne peut que constater que l’homme ne cherche pas, mais absolument pas, à être le maître du monde. À la vérité, il s’en moque, il l’a assez proclamé. Il a même affirmé le contraire. America first, l’Amérique d’abord, c’est son unique ligne de conduite ; et le reste est traité en conséquence. Les fortes personnalités qu’il a choisies et qui forment son entourage, agissent dans la même perspective. Aucune idéologie. Des choix pratico-pratiques assaisonnés de chantages, tels qu’en fait un patron d’affaires, et toujours aux limites de l’inconvenance. C’est pourquoi on s’acharne sur sa vie privée pour le faire tomber.

Trump veut et fait

Pour chaque dossier, il sait ce qu’il veut… et il l’obtient. Du moins, jusqu’à présent. Il dit, il fait et, pour le moment, il gagne… avec des risques qui peuvent être terribles mais qui sont toujours calculés.

Pour la Corée du Nord, quelle que soit la rencontre du 12 juin, il est impossible de nier que par ses agitations il a fait bouger les lignes, plus que tous ses prédécesseurs qui les ont plutôt figées. C’est son pays qui en tirera profit à tout point de vue. La Chine traite : elle accepte finalement les conditions imposées par les États-Unis, pour compenser le déficit de la balance commerciale. Elle tient, certes, la dette américaine, en partie, mais cette dette la tient pareillement. Canada et Mexique devront suivre ; leurs ripostes n’auront pas d’effets véritables.

Quant à l’Europe, elle n’a pas connu de moratoire à l’augmentation des droits de douane ; il est vrai que pour le moment – et pour ce premier essai, car il y aura des suites – c’est de peu de conséquence, mais la Commission européenne en est à imaginer quelques mesures de rétorsion sur des produits de luxe ou des produits alimentaires ciblés, de peu de conséquence aussi. Cependant l’Europe a tout à craindre, du coup, de la surproduction chinoise et mondiale en acier et en aluminium qui cherchera à s’écouler sur les pays sans défense.

Emmanuel Macron en a appelé à l’OMC en dénonçant une illégalité internationale dont Trump « se fiche » complètement. Ce sera l’OMC qui sera obligée de réviser ses règles pour donner satisfaction à Trump qui ne veut plus voir son pays pillé par les Chinois – entre autres sur les brevets –, envahi par les produits étrangers, déstructuré par une concurrence sauvage. Qui ne lui donnerait raison ? Son action ne tend qu’à restituer tous les atouts aux États-Unis. Sa politique budgétaire, économique et commerciale a relancé avec vigueur la croissance américaine ; il n’y a pas de chômage aux USA et il est le maître du dollar, de sa monnaie qui est encore la monnaie du monde – et donc, comme disait l’autre, le problème des autres – et ce par quoi il le tient dans son étreinte. Éternelle Amérique ! Rien ne change depuis 50 ans !

Le maître des USA

Et donc Trump, par le moyen du dollar, dicte sa politique au Moyen-Orient. Son but est de coincer l’Iran, de forcer la République islamique à se désengager des pourtours d’Israël et de la péninsule arabique ; il n’est pas le maître du monde, mais il est le maître des sanctions. Et l’Europe et la France et l’Allemagne seront obligées de se courber devant sa décision. Peugeot, Total se retirent d’Iran. Que s’imagine Macron ? Trump s’est laissé caresser par le président français mais, en tant que président de l’Amérique, il ricanait intérieurement : il n’a pas changé sa politique d’un iota. Ce qu’il veut, c’est précisément désengager les forces américaines du Moyen-Orient et n’agir que par les ressorts dont il est sûr. Il ne veut plus de dépenses qu’il juge inutiles afin de renforcer, au contraire, les dépenses qu’il sait demain être utiles à la puissance de son pays. America first ! Ce comportement est peut-être idiot au jugement de Macron, mais il est à peu près sûr que Trump, en dépit de toutes les attaques dont il est l’objet, a rendu fierté et assurance de proppérité à ses compatriotes de toutes catégories sociales. C’est un gage pour les fameuses élections intermédiaires de l’automne 2018 et qui sait… Car s’il ne se conçoit pas comme le maître d’un monde où il ne songe qu’à faire triompher les intérêts américains, il est encore et incontestablement, en dépit de l’envie, le maître des USA. Ce n’est pas rien, président des États-Unis !

Macron et l’Europe

Et Macron ? Lui qui, sans doute, souriait de Trump et de Poutine tant il était sûr de sa vision du monde qu’il croyait supérieure à la leur, évidemment !

Car il avait, il a encore une vision du monde dont il se croit le penseur et le maître. C’est un projet où il ne conçoit la France que dans l’Europe et dans une Europe de plus en plus européenne et donc intégrée, et cette Europe dans un monde de plus en plus mondialisé et donc uni.

Tous ses discours portent depuis le début de son quinquennat la marque de cette obsession visionnaire ; ils ont été analysés dans ces colonnes, un à un : homélie sur la Pnyx, cours à la Sorbonne, exhortation à Davos ; « nouveau contrat » français de société, « contrat européen », « contrat mondial » ! Ce sont ses mots.

Et puis voilà que tout change autour de lui. L’Angleterre, contrairement à ce qu’il pense, ne reviendra jamais dans l’Union européenne ; elle en sort définitivement et vraisemblablement à son avantage. Les pays de l’Est font sécession ou pratiquement ; ils sont en conflit avec la Commission européenne dont ils refusent directives, règlements et décisions. La Slovénie vient, elle aussi, de voter « populiste ». L’Autriche prend la tête de l’Union européenne en juillet. L’Italie de Giuseppe Conte, de Matteo Salvini, de Luigi Di Maio est décidée à l’affrontement. Devant le sénat italien, le président du Conseil a défini la nouvelle politique italienne ; il n’y est pas allé de main morte ; il s’est déclaré ouvertement anti-système : « Si le populisme est la capacité d’écouter les besoins du peuple, alors nous nous en revendiquons ». Tout sera remis en cause : les budgets, la zone euro sinon la monnaie unique, les directives qui nuisent aux intérêts nationaux italiens, la politique migratoire européenne dont « le système de Dublin » qui pénalise effroyablement l’Italie et dont elle veut se libérer pour mener comme elle l’entend sa propre politique. Il n’est pas jusqu’à la politique étrangère où l’Italie ne souhaite retrouver son indépendance en annulant, quant à elles, les sanctions contre la Russie. Qui ne lui donnerait raison ?

L’Allemagne, elle-même, maintenant, doute de l’Europe et pas seulement l’Afd. Merkel recule devant les propositions de Macron ; elle sait fort bien où en est l’opinion allemande. Toutes les contorsions de Macron qui fut le conseiller de Hollande, visent à une plus grande intégration budgétaire et financière pour, au final, davantage répartir les charges et les risques de la dette. Eh bien, l’Allemagne n’en veut pas et si FME il y a, il sera à ses ordres.

Ce n’est pas seulement le monde qui échappe à Emmauel Macron, c’est bien l’Europe sur laquelle il a tout misé et qui ne répond plus à aucune de ses conceptions, qu’il croyait naïvement progressistes comme les lui avaient enseignées ses professeurs, et qui sont toutes dépassées. Il est probable que ses réformes en France qui chamboulent tout, en perdront leur sens.

Les élections européennes de 2019 où il pense rebondir à la manière de la présidentielle française de 2017, seront un enjeu crucial. Il le sait. Mais la volonté ne suffit pas. C’est d’abord d’un jugement politique droit dont l’homme d’État doit être doté.

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