Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Entre 1996 et 2002, rompant avec une tradition plus que séculaire, l’armée française a abandonné la conscription pour adopter la professionnalisation, tout en poursuivant l’accomplissement de ses missions : exploit remarquable et peu remarqué, bien entendu.
D’où un énorme effort de formation de ces jeunes soldats, et la nécessité d’attirer les futurs cadres sous-officiers et officiers notamment par le prestige de ses écoles de formation, où est cultivée ce que l’on pourrait appeler « l’éthique de commandement ».
On recommandera à nos lecteurs intéressés par une de nos rares institutions nationales encore solides la lecture de Jonquille, nom de code d’une compagnie d’infanterie opérant en Afghanistan en 2012 ; l’auteur est son capitaine, Jean Michelin, qui raconte avec beaucoup de simplicité et d’humilité les moments marquants de ce séjour de six mois dans ce pays âpre, d’approche rude à tous points de vue, avec une mission difficile, qui peut même sembler parfois confiner à l’absurde.
Voici donc ce jeune officier à la tête de 130 hommes et d’une quarantaine de véhicules, à qui on confie à haut rythme des missions éprouvantes de reconnaissances d’axes et de sécurisation de zones. Chaleur étouffante qu’alourdit la contrainte des équipements, rusticité des cantonnements, anxiété de tous dans l’incertitude du succès de l’opération en cours, choc douloureux des blessures et des défaillances, nous partageons tout cela ; nous découvrons comment, dans ce métier, des attentes interminables explosent soudain dans la violence et le fracas des armes ; et surtout, nous sommes touchés par cet esprit commun qui anime ce groupe d’hommes (et aussi de quelques femmes) qui opèrent ensemble dans ce pays perdu et hostile, à des milliers de kilomètres de chez eux. La clé de voûte, c’est la mission opérationnelle de la compagnie, à laquelle tout le monde se doit d’adhérer ; elle est incarnée par le capitaine, à la fois chef de guerre, camarade et aussi, souvent, frère aîné, particulièrement avec les plus humbles et les plus fragiles.
On appréciera enfin la simplicité et la pudeur virile qui régissent les relations entre ces êtres souvent profondément différents, unis par leur état de soldat.
Le capitaine Michelin conclut son ouvrage en citant cette prière lue sur une stèle commémorant les combats de l’hiver 1944 dans les Vosges :
… Permettez qu’ils se tiennent avec nous
épaule contre épaule,
Comme ils l’étaient naguère sur le champ de bataille
Et dans la paix ineffable de Votre paradis,
Qu’ils sachent, ô qu’ils sachent, Seigneur,
Combien nous les avons aimés.
Dans notre république frappée congénitalement d’absurdie, il subsiste encore quelques espaces humains, quelques pépites qui font honneur à l’homme. Elles existent aussi ailleurs, bien entendu, notamment dans les familles et dans certaines entreprises : autant de lueurs d’espérance.