J’ai besoin qu’ensemble nous ne cédions rien ni aux nationalistes ni aux sceptiques ». Voilà donc l’ennemi désigné. Pour ses vœux aux Français et à « ses compatriotes européens » (sic), Macron ne pouvait être plus clair.
Il s’inscrit dans cette lignée d’européistes fanatiques, qui par idéologie ou duplicité, depuis Giscard, accompagnent concrètement l’abaissement de la France ! Leurs cerveaux plutôt agiles ont cette tare de voir les choses non pas telles qu’elles sont mais telles qu’ils voudraient qu’elles soient. Et justement ils voudraient remplacer la France qu’ils connaissent mal et n’aiment pas, par un mélange de pays européens qu’ils imaginent comptablement plus riches, donc plus puissants. L’union fait la force, évident ! Alors ils ont inventé à grands frais ce mélange virtuel de pays qu’ils ont nommé Union européenne, avec un parlement, une commission, un conseil. Comme ce sont des hommes d’argent, ils ont créé une monnaie unique pour verrouiller l’ensemble et ils ont ouvert les écluses monétaires et les frontières qui protégeaient le travail des pauvres et gênaient le trafic des riches.
Quelle Europe ?
Mais cela ne fonctionne pas, le pays « Europe » n’existe toujours pas et chaque réunion au sommet est une cacophonie où chacun défend légitimement ses intérêts de nation. De fait, un pays ce n’est pas une somme d’individus interchangeables, un pays est d’abord peuplé de morts, Nos « Morts », c’est un « nous » commun, une famille de familles, une histoire partagée, un héritage, une culture, une foi et, bien sûr une langue. Ceux qui, jadis, ont pu fédérer plusieurs couronnes européennes, ne l’ont fait que sur ces fondations et avec l’aide de Dieu.
Dieu ? Les fanatiques du grand mélange ne l’aiment pas depuis qu’ils les a dispersés à Babel ! Alors ils font comme s’il n’existait pas. Mieux, ils se prennent pour Dieu et poursuivent le rêve de la Tour, la République universelle, le village global, le gouvernement mondial dont leur Union européenne n’est qu’un moment. Et si cette Union ne fonctionne pas, c’est qu’il faut l’approfondir ! Plus d’Europe, donc comme il fallait plus de communisme à l’Union soviétique en déroute. Mais qu’est l’Europe sans le christianisme ? Comme, bien sûr, ils n’en veulent pas, alors ils essaient de l’éradiquer par submersion islamique. Et voici qu’à l’Est les peuples se révoltent. Ceux de Visegrad, libérés des chaînes de l’Union soviétique, vont-ils nous montrer comment briser celle de l’Union européenne ? Il est vrai qu’ils craignent Dieu et que l’Argent a moins de prise sur eux.
L’Europe des européistes, entité politique, n’existe donc pas plus que les constructions virtuelles représentées sur ses billets de banque ; désincarnée elle n’a pas d’âme. C’est une superstructure extrêmement pesante qui n’a pas créé de communion : voilà le fait. Juste un mélange hétéroclite d’intérêts souvent divergents dont la confrontation stérile nous épuise. Quand Macron, au retour de Chine, veut « une position commune face à Pékin entre pays de l’UE décidés à privilégier l’intérêt européen sur leur intérêt national », il n’a rien compris ou fait l’idiot. Personne n’est capable de définir « l’intérêt européen » ; en revanche « intérêt national » est bien ce qui a été privilégié à Pékin : vendre des Airbus et une usine de retraitement des déchets nucléaires, industrie de pointe où la France excelle !
Quelle Europe de la Défense ?
Si donc l’Europe puissance que Macron veut dresser face aux États- Unis et à la Chine n’a pas de consistance véritable, alors que faire de « l’Europe de la Défense » ? Y-a-t-il quelque chose à défendre ? Voyons ce qui a pu « marcher ».
Sur le plan opérationnel, nos armées peuvent juste donner le change, éviter de s’épuiser en travaux d’états-majors stériles : on a atteint des sommets en la matière dans les groupes de coopération militaire franco-allemands ! Au mieux, il est possible d’exploiter pour notre intérêt national – horresco referens ! – les opportunités de coopération militaires avec nos voisins, amis et alliés.
Le déploiement sous mandat OTAN de nos blindés et de nos Mirage dans les pays Baltes pour réassurer cette région est une bonne expérience pour nos forces et un geste amical vers la Pologne qui envisage d’acheter nos sous-marins.
Malgré le Brexit, la montée en puissance de la force expéditionnaire interarmées franco-britannique prévue par le traité de Lancaster House (2010) se poursuit. Par ailleurs, l’absence des Anglais du commandement du transport militaire européen qui échange des prestations logistiques entre nations, n’empêche pas la Royal Air Force de nous prendre du fret ou de ravitailler en vol nos Rafale. Et le Brexit n’empêchera pas non plus une aide militaire probable des Britanniques au Sahel.
L’emballage politique d’une opération, « sous l’égide de l’UE », « par un corps européen d’intervention » n’a finalement aucune importance pour les militaires : techniquement « le job » consiste à faire fonctionner ensemble des éléments nationaux constitués, chacun dans leur rôle, avec un état-major interallié ad hoc pour une mission décidée par plusieurs gouvernements. On n’a pas attendu l’Union européenne pour le faire.
Il ne faut pas non plus se bercer d’illusions sur la pertinence de l’Eurocorps ou autres montages franco-allemands destinés à l’affichage politique. En revanche, la création par l’Union d’un mécanisme d’équipement des armées africaines en véhicules et en logistique permettra une implication plus significative des Allemands au Sahel et y allégera notre part du fardeau. Plus globalement nos armées doivent conforter leur interopérabilité avec nos alliés au fil des exercices ou des opérations conjointes de l’UE, de l’OTAN ou d’autres coalitions. Il y a juste un déficit d’interopérabilité avec les Russes que nos marins avait commencé à compenser sur « feu » les Mistral russes à Saint-Nazaire. Dans le ciel de Syrie nos aviateurs n’ont pas pu se coordonner avec les Russes, c’est dommage. Il faudra bien un jour être capable de coopérer militairement avec ce grand pays européen !
L’Europe de l’Armement
S’agissant de l’équipement, la Commission vient de créer un fond européen de défense doté de 1,5 milliard par an à répartir sur des projets de l’industrie de défense… européenne. Pomme de discorde convoitée par chaque pays de l’Union et par les Américains dans un secteur dont il détiennent des parts ! Cette initiative est vouée à l’échec, car ces fonds distribués entre les 28 pays membres selon un « intérêt européen » qui n’existe pas, seront dilapidés sur des critères inavouables et perdus pour les contributeurs dont ils sont censés renforcer la sécurité.
En juin dernier la Commission dont il faut tout craindre quand elle se fait militaire, s’était offusquée, dans un papier ahurissant, qu’il y ait 20 avions de combat différents en Europe et seulement 6 aux USA et avait proposé qu’on y mette de l’ordre, qu’on mutualise nos capacités pour éviter ces doublons. Une vision simpliste à la mesure de son aveuglement idéologique et de son amateurisme !
L’Europe de l’armement est un sujet d’autant plus sensible pour la France qu’elle à beaucoup à y perdre. Après le bradage d’Alstom, le pire est à craindre du pouvoir actuel pour Dassault, Thales, AREVA et les pépites françaises : avions, hélicoptères, missiles stratégiques et fusées Ariane.
Très lucide, le général Lecointre pose au Sénat la question de la coopération européenne sur un nouvel avion de combat : « Il est manifeste que l’Allemagne souhaite combler son retard dans un certain nombre de secteurs technologiques et industriels dont elle est notamment absente depuis plusieurs années. S’associer à la France pour créer un futur avion de combat vise à récupérer une compétence qui a été, jusqu’à présent, perdue. Quels avantages espérons-nous tirer du partage, avec l’Allemagne, de cette compétence ? ». Le chef d’état-major des armées serait-il aussi un nationaliste et un eurosceptique? Peut-être va-t-il encore falloir en changer ?
En décembre dernier Ariane plaçait en orbite quatre satellites du système de navigation européen Galileo voulu par les Français, soutenu à son lancement par un commissaire au transport espagnol et financé ensuite, malgré des résistances, par la Commission européenne. Un dernier tir complétera la constellation opérationnelle avec 26 satellites cet été. La mise en service de Galileo, système « civil » de navigation, est une révolution stratégique sans précédent pour les pays européens qui, de l’aveu du général chargé de l’espace à Paris, dépendent du GPS américain pour 100% des opérations militaires. Mais ne nous leurrons pas, la Commission n’en a pas été à l’origine ; elle n’a été que le levier financier qui rend maintenant possible l’indispensable recouvrement de notre indépendance militaire en matière de navigation et de ciblage, Reconnaissons-lui tout de même ce mérite.