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C’est du neuf quand c’est du vieux

L’Art ! Ah, l’Art, quand le contemporain est éternel…

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C’est du neuf quand c’est du vieux

Ma tante Euphrasie, qui se plaint toujours, me dit que tout change et à quelle vitesse ! et qu’on n’y comprend plus rien. Elle se trompe, tout au moins en Art. En Art, rien ne bouge. Depuis presque un siècle, subsiste vaillamment l’art conceptuel, « contemporain », qui n’est rien d’autre que le post-dadaïsme et qui consiste, non plus comme dans les temps moyenâgeux, à provoquer l’émotion, à titiller la sensibilité, mais à produire un discours emphatique sur un objet qui, en soi, devrait laisser froid, mais raidit de respect les bobos et fait s’exclamer à quelques innocents : « C’est marrant ! » Ça ne bouge pas plus dans le théâtre, dans la mise en scène depuis au moins soixante ans : la mise en scène « décalée », « déjantée » règne sans beaucoup de partage. Cela est très sensible à l’opéra. On a vu à la Scala une Carmen remplie de processions lugubres et quasiment funéraires, qui, a priori, n’avaient rien à faire dans la nouvelle de Mérimée, le livret de Meilhac et Halévy et la musique de Bizet. Wagner est particulièrement gâté. On a vu un de ses opéras dans lequel une jeune fille, incarnée par une dondon très nettement décatie (ce qui se conçoit à l’opéra où les divas ne sont pas toujours jeunes), qui, pour montrer qu’elle acceptait enfin le vilain prétendu que son papa lui imposait, laissait tomber sa petite culotte par terre, tandis que le papa et autres propriétaires censément mythiques de l’or du Rhin étaient encravatés et engoncés dans des smokings sévères comme font les capitalistes ténébreux et les héros de la mafia. Je propose, sans me fatiguer la cervelle, en bon petit académique tel qu’on les fabrique maintenant, la mise en scène suivante pour Le Cid de l’affreux Corneille dont on sait tout de même qu’il a eu des descendants négriers : Rodrigue et Chimène dialoguent tout nus ; don Diègue porte un jean troué à vingt cinq endroits et exhibe sur le crâne une crête de punk très colorée, tandis que don Gormas pianote férocement sur son smartphone. Je suis sûr qu’on me dira que mon travail est très innovant, c’est ce qu’on dit quand c’est du vieux. Ah, bonne tante Euphrasie, dans les temps moyenâgeux dont je parlais plus haut, chaque génération avait à cœur de faire choir de son socle la génération précédente. Ces temps sont révolus, bonne tante, règne aujourd’hui une délicieuse stabilité.

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