Ayant largué les amarres de vingt-cinq siècles de civilisation, le navire Occident en perdition n’a plus seulement « ni Dieu ni maître » mais ni père ni mère, ni ciel ni terre, et vogue sur un océan de pensées auto-destructrices.
L’héritage est un privilège indu de blancs, la spontanéité des civilisations premières lui est préférable. À la civilisation préférons la barbarie. La terre où sont enterrés nos pères, n’est pas à nous mais au dernier arrivé. Plus de cimetières, des cendres. « Voir tes maisons en cendre et tes lauriers en poudre », la malédiction de Camille poursuit Rome et toute sa civilisation. Il y a comme un désir violent de renoncement, une volonté obscure d’anéantissement. Le bonheur était trop lourd. La radieuse mariée est assaillie d’impressions funestes, l’enfant gâté cherche le fouet, le Français, entouré de paysages enchanteurs, aspire au désert aride des nomades, et la démocratie apaisée a comme un violent regret des déchirements de la Révolution.
La foule n’est plus sentimentale. Elle cherche le viol, et ses chefs séducteurs s’y adonnent avec ce bonheur de détruire qui naît de l’ennui d’une conquête achevée. « La roche tarpéienne est près du Capitole ». Comment détruire pour mieux recommencer ? Les oies du Capitole, du reste, ne gardent plus rien. Elles crient dans le désert. Mieux, on les gave, pour que leur obésité les contraigne à rester sur place et finisse par éteindre leur voix.
Des voix se font entendre
Pourtant, le 6 juillet dernier, du continent que Christophe Colomb prit pour les Indes et où s’installèrent il y a cinq cents ans « les pères pélerins » venus de la vieille Europe, vint à Varsovie, terre de résistance, ville martyre, un homme tout juste élu à la tête du pays le plus puissant du monde, et qui a sonné le réveil : « Quand le 2 juin 1979, un million de Polonais s’est rassemblé sur la Place de la Victoire pour leur première messe avec leur pape polonais, ce jour-là, tous les communistes à Varsovie ont dû savoir que leur système oppressant tomberait rapidement. Ils ont dû le savoir au moment exact du sermon du pape Jean-Paul II quand un million d’hommes, de femmes et d’enfants polonais ont soulevé leurs voix en une seule prière. Ce million de polonais n’a pas demandé de richesse. Il n’a pas demandé de privilège. Au lieu de cela, un million de Polonais a chanté trois mots simples : « Nous voulons Dieu ».
Aujourd’hui devant cette foule incroyable, cette nation fidèle, nous pouvons encore entendre ces voix qui font écho à l’histoire. Nous sommes confrontés à une autre idéologie oppressive qui vise à exporter le terrorisme et l’extrémisme partout dans le monde.(…) Nous luttons contre le terrorisme islamique radical, et nous allons l’emporter. Nous valorisons la dignité de toute vie humaine, protégeons les droits de chaque personne et partageons l’espoir que chaque âme vive en liberté. C’est ce que nous sommes. C’est (…) ce que nous avons hérité de nos ancêtres.
La question fondamentale de notre temps est de savoir si l’Occident a la volonté de survivre. Avons-nous suffisamment de respect pour nos citoyens pour protéger nos frontières ? Avons-nous le désir et le courage de préserver notre civilisation face à ceux qui la subvertissent et la détruisent ? Nous pouvons avoir les plus grandes économies et les armes les plus mortelles (…) mais si nous n’avons pas de familles fortes et de fortes valeurs,(…) nous ne survivrons pas.
Ensemble, combattons tous ensemble comme les Polonais – pour la famille, pour la liberté, pour le pays et pour Dieu.»
Un mois plus tard, le 13 août, un homme d’Église, un Cardinal venu d’Afrique, le cardinal Sarah, a prononcé à son tour un sermon à réveiller les morts. On fêtait les 40 ans d’une entreprise salvatrice des mémoires et de l’héritage, le spectacle du Puy-du-Fou.
Le cardinal Sarah : il dit ce que les hommes d’Église ne disent plus
« Le château du Puy-du-Fou, ruine douloureuse, abandonnée des hommes, s’élève comme un cri vers le Ciel. Entrailles ouvertes, il rappelle au monde que, face à la haine de la foi, un peuple s’est levé : le peuple de Vendée !
Mes chers amis, en donnant vie à cette ruine, tous les soirs, vous rendez la vie aux morts ! (…)Vous donnez une voix à tous ceux que l’on a voulu faire taire, parce qu’ils refusaient de se laisser arracher la liberté de croire et de célébrer la messe ! (…) Face à la dictature du relativisme, face au terrorisme de la pensée qui, à nouveau, veut arracher Dieu du cœur des enfants, nous avons besoin de retrouver la fraîcheur d’esprit, la simplicité joyeuse et ardente de ces saints et de ces martyrs.
Dieu n’est pas dans le tonnerre et les éclairs, il n’est pas dans la puissance et le bruit des armes. Il se cache dans la brise légère ! » « Face au déferlement planifié et méthodique de la Terreur, les Vendéens savaient bien qu’ils seraient écrasés. (…) Ils ont été cette brise légère, brise en apparence balayée par la puissante tempête des colonnes infernales. Qui donc se lèvera aujourd’hui (…) pour affronter les colonnes de la mort de notre temps que sont le relativisme, l’indifférentisme et le mépris de Dieu ?
Les idéologues de la Révolution veulent anéantir le lieu naturel du don de soi, de la générosité joyeuse et de l’amour. Je veux parler de la famille ! L’idéologie du genre, le mépris de la fécondité et de la fidélité sont les nombreux slogans de cette révolution. Les familles sont devenues comme autant de Vendées à exterminer.
C’est désormais dans le cœur de chaque famille, de chaque chrétien, de tout homme de bonne volonté, que doit se lever une Vendée intérieure ! »
Notre espérance, en cette rentrée, est que souffle cette « brise légère » sur cette « ruine douloureuse » « abandonnée des hommes » qu’est devenue l’Europe, qu’est devenue la France.
Notre crainte, elle, est que nos dirigeants n’entendent pas la voix des chrétiens apeurés qui n’osent plus que chanter en sourdine le « Nous voulons Dieu ».
Macron à la croisée des chemins
Brigitte Macron a dit à la cantonade, le soir de l’élection de son mari, « priez pour lui ». Lui-même a avoué son attirance pour Jeanne d’Arc à Orléans, a visité avec beaucoup d’intérêt le Puy-du-Fou et a reconnu, en mai 2016, après de Gaulle qui en avait fait la confidence à Alain Peyrefitte, que « ce qui manque à la France, c’est un Roi ».
Macron en 2016 à Orléans pour la fête nationale de Jeanne d’Arc
Mais Roi, il l’est presque ! « Monarque républicain », écrivait Maurice Duverger dans son cours de droit constitutionnel en commentant le statut du Président de la Ve République. Notre constitution permet tout au Président. Ainsi l’article 16 lui permettrait de déclarer les institutions menacées et de prendre toutes mesures nécessaires à l’arrêt du terrorisme, comme ce fut fait dans la France de 1962.
Or, Emmanuel Macron l’a dit dans son discours aux chambres rassemblées en Congrès à Versailles : « La démocratie n’a pas été conçue seulement pour les temps calmes » et une « démocratie forte » doit « prévenir et réprimer sans pitié, sans remords et sans faiblesse ».
Le fera t il ?
La Révolution, dès 1790, a supprimé les ordres religieux, fermé les écoles, confisqué les abbayes, interdit de culte les églises de catholiques qui, pourtant, ne menaçaient pas les vies… En 1793, la République, à peine née, a exilé, emprisonné et mis a mort les prêtres refusant de lui jurer fidélité, mais qui pourtant n’avaient commis aucun crime !
Le chef de l’État agira-t-il aujourd’hui contre ceux qui tuent nos soldats, nos gendarmes, nos policiers, nos enfants, nos mères de famille, et s’en prendront bientôt aux magistrats, voire à lui même ?
Les guerres de religion ne sont pas des guerres comme les autres. Ce sont des guerres cruelles, sauvages, passionnées, où sont en jeu non seulement la vie terrestre, mais l’au-delà. Qu’est la courte vie terrestre comparée, pour ceux qui y croient, aux affres ou aux délices de l’éternité ? La religion, de plus, s’acquiert dans la toute petite enfance et a, de ce fait, un caractère affectif absolu. Un peuple où règnent deux religions dont l’une veut éradiquer l’autre, est donc menacé de guerre civile. L’Irlande en fut longtemps un tragique exemple. Nos rois le savaient si bien que, dès le début de la guerre entre protestants et catholiques, le très jeune Roi François Ier avait adopté la règle « une foi, une loi, un Roi ». C’est dans la droite ligne de cette décision qu’a été adoptée au XVIe siècle la norme de droit international : Ejus regio cujus religio – à chaque pays sa religion – qui vint à bout des déchirements sanglants qui gagnaient l’Europe entière. Ce principe, Henri IV, y avait obéi le tout premier puisque, protestant, il s’était converti au catholicisme pour devenir Roi de France.
Henri IV aux portes de Paris.
« Terrorisme islamique : que devons nous aux victimes ? » se demandait Emmanuel Macron à Versailles. Sa réponse était alors sans ambiguïté : « Ne pas nous limiter à l’esprit victimaire ou à la collaboration ». N’étaient-ce que des mots ?
Un président de la France volontaire et déterminé faisant preuve de cette « fermeté d’âme de ceux qui nous ont précédé dans l’épreuve » qu’il évoquait aussi dans ce même discours, pourrait sauver la France, voire l’Europe, de la guerre dont malgré les dénégations répétées, le caractère religieux apparaît comme déterminant, et qui s’intensifie à raison d’une tentative d’assassinat par jour en cette fin d’été.
Telle est l’urgence de cette rentrée. Car donner du travail aux Français en soulevant un peu plus la chape de plomb des réglementations qui paralysent l’embauche, c’est bien. Mais à quoi bon, si c’est pour les laisser dans la crainte, autrement paralysante, de se faire sauvagement assassiner ?