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Dossier : quels guides pour découvrir la France secrète ?

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Dans les années 60, les défuntes éditions Tchou publiaient une remarquable série de « Guides Noirs » consacrés aux légendes, mythes et mystères des provinces françaises, somme quasi-exhaustive qui fit rêver des milliers de promeneurs en les entraînant loin des sentiers battus, dans les méandres oubliés d’un passé ténébreux et de peurs ancestrales…

Les Guides secrets des éditions Ouest-France s’inspirent directement de ces monuments inégalés de l’histoire populaire et du folklore, mais, mauvais signe des temps, ils n’en sont qu’une version simplifiée, trahissant la baisse alarmante de la qualité d’un lectorat toujours plus amateur de facilité. Riche maintenant d’une quinzaine de titres, la série, sous ses couvertures cartonnées noir et or, avec son abondante iconographie sépia, compte quelques excellents volumes, dignes de leurs prédécesseurs, d’autres honnêtes et banals, et quelques-uns, à tout dire, plus que médiocres. Voici de quoi vous y retrouver parmi les dernières parutions.

De Nîmes à Uzès

Il n’y a pas grand-chose à dire du Guide secret du Gard de Myriem Lahidely, série de balades entre Nîmes et Uzès, où se croisent dans un grand pêle-mêle la drac, cousine gardoise de la tarasque, saint Gilles et sa biche, des sources sacrées et des torrents maudits, de vieilles pierres celtes et romaines, des sanctuaires marials et des violences protestantes, des toiles de Nîmes et le réglisse Zan, le pain empoisonné de Pont-Saint-Esprit, une cantatrice pyromane et la recette de la brandade de morue. C’est correctement fait, sans plus.

Vendée
Même constat s’agissant du Guide secret de Vendée de Renée Grimaud. Il est vrai que vouloir, s’agissant de ce département, évoquer autre chose que « la guerre des géants » est en soi une gageure. Sans omettre, tout de même, la période révolutionnaire, curieusement renvoyée au chapitre Drames et Crimes …, et tout en s’appliquant vaille que vaille à mettre en valeur l’histoire religieuse, grâce à sainte Radegonde, saint Philibert, saint Romain de Blaye ou saint Louis-Marie Grignon de Montfort, l’auteur peine à passionner avec le passé mégalithique, les forfaits du sire de Rais ou les brigandages de Compère Guilleri, ce contemporain de la Ligue qui ne survit plus, et encore, dans les mémoires qu’à travers une chanson.

Anjou
Catherine Nédelec signe un Guide secret de l’Anjou de meilleure facture. On lui devait déjà un solide Guide secret du Val de Loire qui faisait la part belle au catholicisme et à ses traditions locales, qualité que l’on retrouve dans cette promenade en terre angevine. L’auteur évoque avec cœur les aventures de saint René, premier évêque d’Angers, ou de Maurille, son successeur ; se promène dans les ruines de Fontevraud en compagnie de Robert d’Arbrissel, fondateur controversé pour ses relations trop libres avec les femmes ; connaît la moindre source miraculeuse ; ressuscite le Grand Sacre d’Angers, magnifique procession de la Fête-Dieu supprimée après Vatican II, rappelle l’étonnant miracle eucharistique d’Ulmes, en 1668, quand le Christ apparut, devant une paroisse médusée, dans l’hostie qu’un prêtre de mauvaise vie venait de consacrer, fait visiter l’étonnante copie du Saint Sépulcre bâtie par un pieux prélat à l’intention de populations paysannes ferventes qui n’iraient jamais en Terre Sainte, entraîne au Champ des Martyrs d’Avrillé prier sur les fosses communes où reposent plusieurs milliers de victimes de la Terreur, pour certaines béatifiées en 1984. Ici, à chaque page, le merveilleux comme le mystère sont résolument chrétiens. Tant mieux.

Bretagne
De bonne facture encore le Guide secret de Bretagne, du Pays malouin au Léon de Thierry Jigourel, excellent connaisseur du sujet. S’il ne cache pas l’agacement des Bretons confrontés à l’image trop folklorique de leur pays, il joue cependant lui-même le jeu à fond, exploitant pierres préceltiques, saints bretons, fontaines sacrées, vieux rites païens christianisés et drames d’une terre qui en a connu tant et plus. Si vous êtes familier de ces questions, Jigourel ne vous apprendra rien, sinon un ou deux faits divers révélateurs des mentalités actuelles mais qui n’ont pas eu l’honneur de la presse nationale. Par contre, si vous ne connaissez rien à la Bretagne, Jigourel vous fascinera, vous donnera le frisson. Contrat rempli !

Rien à redire non plus au Guide secret de Brocéliande de Claudine Glot. On ne saurait avoir meilleur guide qu’elle le long du Val sans retour ou près de la fontaine de Barenton. Tous ceux qui s’intéressent aux mythes arthuriens le savent. Cependant, et c’est l’un des nombreux intérêts du volume, elle n’a pas voulu se borner à évoquer, ce qu’elle fait admirablement, Viviane et Merlin, Lancelot du Lac et Yvain, Morgane et Arthur. Si la forêt de Paimpont, ou ce qui reste de l’immense futaie qui couvrit jadis le massif armoricain, est bien la mythique Brekilien, son histoire ne se borne pas aux rêveries des celtisants. La forêt est étroitement liée à l’histoire de la Bretagne, et fut, avec les célèbres forges de Paimpont, et dès l’Age du fer, un site industriel et commercial d’importance. Entre légende et réalité, l’excursion est étonnante.

Bourgogne

Autre satisfecit pour ce Guide secret de la Bourgogne de Guy Renaud qui n’en oublie pas les racines chrétiennes. Les martyrs Symphorien, Bénigne, Marcel, Valérien et Reine, les miracles de saint Martin qui parcourut la région en laissant un peu partout son empreinte, la translation des reliques de Marie-Madeleine à Vézelay, la haute protection exercée par Notre-Dame du Bon Espoir sur Dijon, Hugues de Semur et les grandes heures de Cluny, saint Bernard à Cîteaux, Marguerite-Marie à Paray-le-Monial, et même la petite Église charolaise, moins connue que ses cousines de Vendée, de Bretagne ou du Lyonnais, ont donné son âme à la Bourgogne.

Sans effacer entièrement les traces des temps préchrétiens. Qui était la Dame de Vix ? Jusqu’où s’enfonce la mystérieuse Fosse Dionne de Tonnerre, toujours insondée et jadis réputée abriter l’une des nombreuses vouivres, vivres ou guibres qui hantent les cours d’eau de la région ? Un trésor est-il caché sous la roche de la Pierre-qui-vire ? Était-ce Janus que l’on honorait à Autun, l’antique Augustodunum ? Comment a-t-on christianisé les sources de la Seine ? Savez-vous que Cadet Roussel était Bourguignon, et fervent révolutionnaire ? Que la Dame de Vergy est au cœur d’une légendaire histoire d’amour ? Que Louis X épargna peut-être Marguerite de Bourgogne, son épouse adultère, qui serait morte de vieillesse au château de Couches, bien après la date officielle de son décès ?

Pourquoi Vincent, martyr espagnol sans rapport avec le monde du vin, s’est-il retrouvé patron des vignobles bourguignons ? Et comment la Beffana, vieille femme qui, en Italie, distribue les cadeaux aux enfants à l’Épiphanie, a-t-elle atterrie, rebaptisée Beuffenie et transformée en sorcière, en Côte d’Or ? Guy Renaud a réponse à tout, ou presque, et le suivre sur les chemins du merveilleux s’avère aussi agréable qu’instructif.

Compostelle
Un bon point, encore, pour ce Guide secret de Compostelle d’Olivier Mignon qui tranche un peu sur le reste de la collection puisqu’il évoque, non une région mais les célèbres chemins de Saint Jacques. Très joliment illustré, très respectueux de la foi catholique et de la démarche des pèlerins, ce guide intelligent suit d’étapes en étapes, en évoquant leurs plus beaux monuments, ou ce qu’il en reste, et les saints vénérés, les principales routes qui mènent de France en Galice. Via Turonensis de Paris à Bordeaux par Tours, Via Lemovicensis de Vézelay au Béarn par Limoges, Via Podiensis du Puy à Lectoure par Rocamadour, Via Tolosana d’Arles au Somport par Toulouse, puis le fameux Camino Francès égrènent étapes, périls, et traditions attachées au passage des jacquets. Une vraie réussite.

Le Bordelais et ses vins
Le guide secret du vignoble bordelais de Guillaume Barsac est sans doute le meilleur du cru. Barsac, quand il évoque le Bordelais, le Saint-Émilionnais, l’Entre-Deux-Mers et le Médoc sait de quoi il parle et le fait avec érudition, passion, humour.

Qu’il s’agisse d’évoquer l’emprisonnement de la duchesse de Berry à Blaye, le pape Clément V, le tragique destin du sire de Lesparre qui, malgré la défaite de Castillon, voulut rester fidèle au roi d’Angleterre, pour lui son seul et légitime suzerain, et le paya de sa vie, ou les Girondins ; qu’il faille s’aventurer dans la grotte préhistorique de Pair-non-Pair, retrouver les ruines gallo-romaines de Brion, suivre l’antique et mystérieuse Levade qui ne mène plus nulle part, pourchasser un problématique loup-garou, s’interroger sur l’origine des cercles apparus sur les pelouses de Libourne voilà quelques années, retrouver l’œuvre de Montesquieu ou de Mauriac, découvrir la présence de scorpions dans les chais des Chartrons, Barsac se révèle un guide talentueux, renseigné, capable de jouer habilement du légendaire et du réel, de mêler mystères d’hier et d’aujourd’hui. À vous donner le goût du Bordelais et celui du bordeaux !

Châteaux de la Loire

En revanche, l’on ne s’attardera guère à parler du Guide secret des châteaux de la Loire de Florence Macquarez. Si l’esprit n’en est pas mauvais, car il n’est pas fréquent de trouver dans un ouvrage de vulgarisation une réhabilitation de Catherine de Médicis, l’ensemble est plat et s’accompagne, ici ou là, plus spécialement dans les légendes, d’erreurs de détail irritantes, telle celle qui prête à Louis XII sept frères et sœurs inexistants … Pour le reste, vous croiserez, évoquées en reprenant les notices les plus basiques des dépliants touristiques, le fou Triboulet, la dame de Monsoreau, Diane de Poitiers, Jeanne d’Arc, Ronsard et Vinci. On a lu cela cent fois ailleurs, en mieux …

Géographie du diable
Enfin, quelle idée de confier la rédaction du Guide secret du Diable à Samuel Sadaune qui, à l’évidence, n’y croit pas ! L’essentiel du plaisir est d’avance gâté par le mépris ricanant de l’auteur, au dessus de ces superstitions et qui commence par infliger une assez pitoyable leçon de démonologie, prétexte à sourire des croyances chrétiennes. Après cela, suit un plat défilé, province par province, des ponts du diable, trous du diable, sauts du diable, pas du diable, fourneaux du diable, châteaux du diable, roches du diable, lacs du diable, maisons du diable, pointe du diable, moulin du diable, brèche du diable et autres vaux d’enfer qui hantent nos paisibles contrées. À partir de tout cela, l’on peut faire une anthologie diaboliquement terrifiante, ou un salmigondis sans soufre ni saveur. C’est le cas ici. Dommage !

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