Le général Puga a quitté cet été les fonctions de chef d’état-major particulier du président de la République et a été nommé grand chancelier de la Légion d’honneur. Pour son départ de l’Elysée, où il était le plus proche conseiller militaire de Sarkozy puis de Hollande, Le Monde lui a consacré sa une et un article sur « Les mystères d’un acteur clé des six dernières années ». Deux pages de citations ou d’anecdotes rapportées au conditionnel par des anonymes. Rien de bien intéressant. En revanche, que ce père de famille nombreuse, catholique, conseille le président socialiste volage et athée, irrite au plus haut point l’auteur de l’article.
Même si le journaliste du Monde en doute, le rôle positif de Puga « l’Africain » dans les affaires du Sahel est indéniable. Il aura contribué, jusqu’au terme d’une brillante carrière, au succès de nos armes avec une incontestable légitimité opérationnelle. S’il n’a jamais affiché ses convictions, il ne les a pas non plus cachées. Elles ne l’ont pas desservi. Il termine sa carrière avec tous les honneurs, mais dans l’honneur. Ce que les circonstances ne permettent pas toujours : la question de la loyauté reste en effet très liée aux circonstances.
La discipline qui, comme chacun sait, fait la force des armées, exige du militaire une loyauté sans faille. Dans les régiments, navires de combats ou escadres aériennes, le chef doit s’attacher au bon fonctionnement de son unité, à sa meilleure préparation, au discernement des compétences. Mais il reste au niveau de l’exécution. Cela ne l’empêche pas d’imprimer sa marque et de rendre aux plus jeunes l’amour de leur pays. Il y faut de la prudence et un peu de courage. Mais un officier français peut aujourd’hui enseigner des vérités historiques, ordonner une prise d’arme pour Jeanne d’Arc, s’abonner à Politique magazine ou aller à la messe sans être radié du tableau d’avancement.
Tout autre est le travail de ceux qui, colonels, capitaines de vaisseau, officiers généraux ont accédé aux niveaux de conception en état-major central, là où les convictions, les appétits et le « déclin du courage » creusent des clivages inattendus. Il ne s’agit plus de faire fonctionner et d’obéir mais d’inventer, de rectifier, d’argumenter, de convaincre ; bref, de s’exposer au risque de déplaire. Les enjeux sont considérables : la vie de nos soldats et le succès des opérations, les milliards de la masse salariale et de la programmation militaire et, par-dessus tout, notre indépendance.
Il est enfin des circonstances où les honneurs ne sont plus compatibles avec l’honneur. Ainsi, pour faire « observer ses lois », la République a demandé aux militaires de massacrer des populations en 1793, plus tard de fracturer des sacristies lors des inventaires, de briser des grèves, ou encore, en Algérie, de trahir les engagements qu’on leur avait fait prendre. Ceux qui refusèrent, pour l’honneur, furent congédiés, embastillés ou fusillés. En 1961, condamné à la prison, le lieutenant-colonel Puga, père du général, en était.
Alors que la France lutte aujourd’hui pour sa survie, il en est encore, au Monde, pour écrire que « la mission incontestablement accomplie » du général Puga a été de « laver le nom du père et rendre à la lignée son honneur ». Le grand chancelier ne répondra pas à cette infamie. g