Très « catholiques et Français toujours », ils renvoyaient une image idyllique : quatre beaux enfants adolescents, deux grands chiens, une maison bourgeoise à l’ambiance bohème dans un bon quartier de Nantes, la messe du dimanche. Famille, proches, amis, collègues, camarades d’études, voisins, commerçants vantaient à l’unisson l’évident bonheur des Dupont de Ligonnès.

Jusqu’à ce début avril 2011 où, sans crier gare, ils avaient disparu, laissant un courrier délirant dans lequel ils prétendaient avoir dû quitter la France en urgence, avec l’aide du FBI, pour échapper à des trafiquants de drogue … Pris d’angoisse, la famille avait prévenu la police et demandé l’ouverture d’une enquête pour disparition inquiétante

Elle avait raison puisque, quelques jours plus tard, les enquêteurs retrouveraient, enfouis sous des kilos de gravats et d’ordures jouxtant la cave, les cadavres d’Agnès et ses enfants Arthur, Thomas, Anne et Benoît, et ceux des labradors chéris … Seul manquait le mari et père, auteur évident du massacre familial. D’ordinaire, les responsables de telles tueries, revenus à la raison, se livrent ou se suicident. Xavier Dupont de Ligonnès ne s’est pas livré et, selon toute vraisemblance, il ne s’est pas suicidé non plus. C’était il y a cinq ans, nul ne sait ce qu’il est advenu de lui.

Anne-Sophie Martin, à la fin de son récit, propose une piste, qui en vaut d’autres, à laquelle vous êtes libres de croire ou pas, mais le plus intéressant, dans son enquête, n’est pas là.

Ce qui fascine, ici, c’est, derrière l’impeccable façade de la famille exemplaire, la mise au jour de vérités sordides, les portraits trop parfaits qui se fissurent, révélant des âmes gangrenées par les mœurs de l’époque, les adultères mutuels, l’éloignement de la pratique religieuse, maintenue seulement comme un rideau de fumée voilant les turpitudes inavouables, l’ésotérisme remplaçant la foi catholique, l’argent facile, puis les dettes impossibles à rembourser, l’égoïsme des uns et des autres, l’incapacité à se priver ou se gêner pour des proches qui, bientôt, ne sont plus, au milieu des difficultés, qu’une gêne supplémentaire, interdisant de jouir et profiter encore. Et que l’on rêve de supprimer…

Xavier Dupont de Ligonnès, un monstre ? Oui, mais qui ne s’est pas créé tout seul, ni en un jour. Glaçant, pour ce que cette histoire révèle sur notre monde, et ces enclaves qu‘on croyait protégées …

Anne-Sophie Martin, Le Disparu, Xavier Dupont de Ligonnès, Ring, 18 €.