Civilisation
Blake et Mortimer en toute liberté
L’Art de la guerre n’appartient pas à la collection standard de la série Blake et Mortimer mais à la série « Un autre regard sur Blake et Mortimer ».
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Les accords sur le nucléaire iranien ont permis au pays des mollahs de faire son retour sur la scène internationale. Cette dédiabolisation s’est accompagnée de discours lénifiants de la part d’une presse occidentale prompte à découvrir des signes d’ouverture du régime.
Un couple de journalistes français, dissimulé sous le pseudonyme de Jane Deuxard, a décidé d’aller se rendre compte sur place de la réalité de ces avancées ; il a pris comme baromètre l’évolution des mœurs, la place des femmes et les libertés.
L’on peut discuter de la valeur de ces paramètres, typiquement occidentaux, qui pourraient ne pas être extrapolables à d’autres cultures sans que cela porte atteinte aux conditions de vie des populations. Tout comme du choix de ne s’adresser qu’à une classe d’âge entre 18 et 30 ans, citadine et appartenant, sauf exceptions, à une bourgeoisie fortunée d’un haut niveau socioculturel. Cette sélection fausse d’emblée l’enquête car l’on peut supposer que des gens plus âgés, provinciaux, ruraux ou de classes populaires porteraient sur leur quotidien un regard très différent, ce qui explique d’ailleurs la survie du régime.
Cela dit, les confidences de ces jeunes gens, plus encore de ces jeunes filles, peu désireux de se laisser imposer un mariage traditionnel « arrangé » et qui cherchent à rencontrer l’âme sœur et à la fréquenter, dans un pays où les relations entre sexes sont extrêmement contrôlées, les liaisons hors mariage passibles de lourdes condamnations révèlent à quoi ressemble la morale, notamment sexuelle, en terre d’Islam rigoriste, et l’hypocrisie ambiante, certains sachant très bien comment contourner les interdits religieux.
Ainsi, quels que soient les défauts de la méthode, cet album, souvent émouvant, a au moins l’incontestable mérite d’en dire plus long sur l’Iran chiite que la majorité des reportages que vous pourrez lire ailleurs, et de pulvériser nombre d’affirmations convenues et fausses. Il convient au passage de saluer la performance du dessinateur qui parvient à tirer de ces confidences intimes, à force de trouvailles et d’imagination, un festival d’effets et de surprises.
Love Story à l’iranienne, de Jane Deuxard et Loupy , Delcourt Mirages ; 144 p ; 17,95 €.