Récent retraité de l’Inspection générale au ministère de l’Intérieur, Ivan Blot se consacre aujourd’hui à l’écriture. Dans Le terrorisme islamiste, une menace révolutionnaire *, il développe une analyse originale de ce phénomène, tirée de son expérience.
Dans votre dernier livre, vous définissez le terrorisme islamiste comme un nouveau mouvement révolutionnaire, à l’instar du bolchévisme ou de la Terreur de 1793. Le jihad guerrier n’est-il pas consubstantiel à l’islam ?
Je pense que n’importe quelle idéologie peut subir une mutation et devenir révolutionnaire. Regardez le socialisme : à la base, ce n’est pas un mouvement meurtrier. Le racialisme également était très développé au XIXe siècle et il ne donnait pas lieu à des violences. C’est la forme révolutionnaire de ces idéologies qui est meurtrière. Si l’islam contient des germes de violence que l’on retrouve aisément dans ses textes, c’est sa mue révolutionnaire intervenue dans les années 50 qui explique le terrorisme actuel. Quand je travaillais au ministère de l’Intérieur, j’ai été amené à m’intéresser à deux intellectuels musulmans qui étaient souvent cités par des personnages comme Oussama Ben Laden. L’un, le Pakistanais Al Mawdudi, mort en 1979, est le premier islamiste du XIXe siècle à prôner le retour au jihad pour réaliser une révolution islamique intégrale ; il utilise le terme « révolutionnaire » dans ses écrits. L’autre, l’égyptien Sayyid Qutb, membre de la confrérie des Frères musulmans qui a eu une influence énorme, interprète également tout le Coran dans un sens violent et totalitaire.
Nous venons de subir deux massacres en plein Paris. Vous affirmez pourtant dans votre livre que les services français travaillent efficacement contre la menace islamiste…
Il faut comprendre que, depuis près de dix ans, nous arrêtons en moyenne une fois par mois des préparatifs d’attaques majeures comme celle du Bataclan. Ces opérations ont été démantelées par nos services et ont valu à leurs auteurs d’être condamnés par la justice. Cependant, mis à part le projet d’attentat à la cathédrale de Strasbourg qui a été médiatisé, le reste est en général caché par nos gouvernants. En outre, il faut ajouter toutes les mesures de prévention – fouilles dans les aéroport, plan Vigipirate, etc. – qui ont découragé bien des velléités.
Combien de personnes ont été condamnées en France pour avoir participé à de tels projets ?
Plusieurs milliers… La loi antiterroriste de 1986, qui a été amendée depuis, permet d’arrêter avant un attentat les personnes ayant un lien avec une activité présumée terroriste, sans qu’elles aient encore commis la moindre action. Ces personnes font de la prison, certaines en ressortent, on les suit un peu puis c’est terminé. C’est pourquoi nous avons parfois de mauvaises surprises, comme l’assassinat récent d’un couple de policiers par un islamiste.
Le premier ministre Manuel Valls et le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve préviennent désormais que d’autres attentats sont possibles. Cela paraît contre-productif sur le plan électoral. Comment l’expliquez-vous ?
Je suppose que leurs services doivent leur dire qu’ils ne peuvent plus suivre tout le monde. Ils sont prévenus et ils ne veulent pas paraître stupides s’il y a de nouvelles attaques. La situation est grave. Les terroristes potentiels deviennent très nombreux. Et ils sont soutenus activement ou passivement par une large partie des populations immigrées. Je vous donne un exemple : la police commande aussi des sondages à des instituts spécialisés afin de tâter le pouls de la population. Les résultats ne sont pas rendus publics, mais ils sont parfois épouvantables. Par exemple, un nombre important des musulmans de France approuvent le terrorisme islamiste. Cela ne veut pas dire qu’ils vont devenir terroristes eux-mêmes, mais cela signifie qu’il existe une vaste complicité passive ou active.
Ces chiffres sont impressionnants. Ils mettent en exergue l’inaction de nos gouvernements face aux flux migratoires. Ils sont pourtant prévenus des conséquences potentielles. Comment expliquer un tel laisser-faire ?
Je pense qu’il existe une peur des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a déjà condamné la France. On peut aussi mettre en avant le respect de certains traités internationaux que nous avons signés, mais aussi la crainte d’être traité de raciste. Quand le scandale de l’embauche d’islamistes dans une centrale nucléaire belge avait été révélé, on m’avait expliqué la raison : c’était la crainte d’être pointé du doigt pour discrimination qui avait guidé les décisions des recruteurs. Et puis il existe un état d’esprit général qui terrifie nos hommes politiques. Pour tarir les flux, il faudrait parfois faire l’usage de la force ; nos responsables sont très loin de l’envisager.
Faisant valoir le principe de précaution, un nombre croissant d’observateurs affirment qu’il faudrait remigrer dans leurs pays d’origine une partie des populations musulmanes présentes en Europe. Qu’en pensez-vous ?
Des politiques de remigration auraient pour effet de réduire la menace. Il est bien évident que s’il n’existe pas de terrorisme islamiste en Pologne ou au Japon, c’est en raison de l’absence des populations à risque. On peut ajouter que c’est en premier lieu auprès de ces populations à risque que nos services secrets travaillent pour contrer la menace terroriste.
Pour contrer le terrorisme islamiste, vous évoquez également des mesures dites positives. Pouvez-vous les décrire ?
La répression est nécessaire. Mais il faut aussi supprimer les terrains favorables à l’émergence de l’islamisme. Je vois pour cela quatre volets aux conséquences différentes. Le premier, c’est une éducation patriotique et l’enseignement solide de l’histoire de France. Je prends pour exemple ce qui se fait en Russie, avec succès, malgré l’importance des minorités musulmanes qui y vivent. Le second volet, c’est le rétablissement du service militaire, avec l’éducation et l’éthique dont il est porteur. La troisième proposition concerne le rétablissement d’une garde nationale, fondée sous les rois de France et supprimée en 1871 ; cette dernière serait triée sur le volet et permettrait aux citoyens de participer à la défense des frontières et de l’ordre public. Enfin, le dernier volet est diplomatique : il est temps de se mettre d’accord sur une politique antiterroriste au niveau international. Visiblement, l’OTAN et les états-Unis ne le veulent pas. L’organisation militaire vient ainsi de désigner la Russie comme son ennemi n°1, plutôt que l’état islamique !