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L’Appât

Les années cinquante furent assurément une exceptionnelle décennie qui constitua l’écrin unique de ce que l’on a appelé, sans exagération aucune, l’âge d’or du western.

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L’Appât

Grands et petits maîtres se succédèrent à un rythme effréné pour écrire parmi les plus belles pages cinématographiques de l’histoire de l’Ouest américain : Samuel Fuller, Delmer Daves, Henry King, Allan Dwan, John Ford, William Wellman, Budd, Boetticher Jack Arnold, Gordon Douglas, Andre de Toth, Henry Hathaway, Raoul Walsh, George Sherman, George Marshall, Richard Thorpe, etc., qui ont dirigé les plus talentueuses stars que comptait alors Hollywood – Van Heflin, Barbara Stanwick, Robert Taylor, Julia Adams, Burt Lancaster, Virginia Mayo, Audie Murphy, Dorothy Malone, Gregory Peck, Yvonne De Carlo, Randolph Scott, Susan Hayward, Glenn Ford, Maureen O’Hara, Allan Ladd, etc. L’infinité des listes témoigne autant de la multiplicité des talents de l’époque que d’une effervescence artistique débordante – bien qualitativement supérieure à nombre de productions contemporaines. Pour la seule année 1953, outre L’Appât d’Anthony Mann, on relèvera Fort Bravo (de John Sturges avec William Holden et Eleanore Parker), Victime du destin (de Raoul Walsh avec Rock Hudson et Julia Adams), Vaquero (de John Farrow avec Robert Taylor, Ava Gardner et Anthony Quinn) ou encore L’Homme des vallées perdues (de George Stevens avec Allan Ladd, Van Heflin, Jean Arthur et Jack Palance). The Naked Spur est le cinquième western d’Anthony Mann et le troisième avec James Stewart qui tournera huit films sous sa direction dont cinq westerns (Winchester 73, Les Affameurs, Je suis un aventurier et L’homme de la plaine).

Un maître du western

Mann est un cinéaste singulier qui saura très rapidement s’imposer, non seulement comme un maître du genre, à l’égal des Ford, Walsh, Daves, De Mille ou Lang, mais encore comme un réalisateur aussi éclectique que doué, de La Cible vivante (1945), drame policier poisseux avec un Erich von Stroheim tout bonnement parfait d’interprétation, en passant par le méconnu mais incroyable Livre Noir (1949), thriller historique sous la Révolution française, servi par la magistrale photographie de John Alton (chef-opérateur attitré de Mann) ou sa Romance inachevée (1954), biographie musicale très inspirée de Glenn Miller avec un James Stewart excellent d’excentricité et de finesse, voire Le Petit Arpent du bon Dieu (1957), comédie inattendue aux allures de fable qui, bien que boudée à sa sortie, fut ardemment défendue par Mann comme étant son meilleur film, sans oublier Le Cid (1961), superbe fresque épique de l’Espagne mauresque du XIe siècle et même jusqu’à La Chute de l’Empire romain (1963), péplum qui fut un cuisant échec à l’époque mais que la postérité réhabilitera comme un film au souffle épique incontestable (en dépit, nonobstant, de graves erreurs historiques).

« Le plus virgilien des cinéastes. »

Avec L’Appât, nous sommes au cœur du manifeste westernien de Mann : le tragique antique au cœur de l’Ouest (Jean-Luc Godard le qualifiait avec emphase, mais non sans justesse, de « plus virgilien des cinéastes »), l’âpre comédie humaine nichée dans des paysages à couper le souffle mais néanmoins hostiles, une nature grandiose et bucolique mais sournoise, sinon menaçante. Mann est un réaliste et voit l’homme tel qu’il est, dans son hommerie crasse comme dans sa sublimité rédemptrice. Stewart interprète Howard Kemp un chasseur de prime qui, opportunément aidé par un vieux chercheur d’or et un soldat renvoyé de l’armée, parvient à capturer Ben Vandergroat (Robert Ryan), dont la tête est mise à prix et qui ne se sépare pas de Lina Patch (Janet Leight), fille d’un ancien complice. L’enjeu sera évidemment la prime de 5000 dollars, tandis que le hors-la-loi s’emploiera à instiller la discorde entre les protagonistes, jouant de leurs faiblesses et de leurs mesquineries. Les splendides décors naturels de Durango (Colorado) et de Lone Pine (Californie) sont les actants décisifs qui se révèlent lors du duel final à flanc de montagne, au-dessus d’une rivière impétueuse, allégorie funeste d’un Dieu colérique, qui abat impitoyablement sa dextre – en l’espèce, l’éperon lancé par Kemp au visage de Vandergroat. Janet Leigh compose une figure mariale qui ramène la sérénité dans les âmes, notamment celle, tourmentée de James Stewart. En 1997, le National Film Preservation Board décida de hisser le film au rang des œuvres à protéger en raison de leur haute valeur artistique.

 


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