Quand ce quadragénaire à la vêture décontractée du meilleur faiseur entra dans le bar, le gueulard du comptoir était justement en train de clamer de sa voix rauque :
– Ils n’ont rien à foutre, ces sales gosses des lycées à foutre le brun dans nos rues !
Il faisait allusion aux récentes manifestations.
Le quadragénaire, cette fois-ci, se présenta :
– Moi, c’est Olivier Roussot.
On voyait qu’il avait envie d’ajouter : « Et pas n’importe qui »,
il se contenta de dire :
– J’ai fait Sciences Po.
– Popo, scanda le farceur de comptoir qui s’étrangla de rire dans son verre de bière.
– Comprenez, mes amis, la Jeunesse est admirable. La Jeunesse c’est l’Avenir.
– Une partie, une toute petite partie, intervint de son coin mon cousin Barnabé.
Roussot continua en dédaignant manifestement l’intervention de mon cousin :
– Elle est admirable, lucide, beaucoup plus lucide que nous n’étions à leur âge. Consciente, citoyenne. Elle n’hésite pas à prendre sur ses études pour la bonne cause, à sacrifier de précieuses heures studieuses.
– Bravo ! hurla le farceur de comptoir qui s’étrangla de nouveau.
Barnabé reprit :
– Cher et vénérable monsieur, savez-vous qu’il est très difficile de nos jours d’échouer au bac ? 5 % environ y parviennent.
– Bac ! Bac ! crachota le farceur de comptoir.
Mais Barnabé continuait :
– Vos jeunes vont dans les rues partie pour s’amuser (c’est vrai, c’est amusant de mettre le feu aux poubelles, c’est très beau les feux de poubelles et y a pas que ça), partie pour faire comme les grands. Ce sont déjà des moutons ; quand ils seront grands à leur tour, ils bêleront lugubrement comme leurs pères.
Roussot haussa les épaules avec une petite moue agacée et sortit du bar en reniflant de mépris attristé.
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