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Lecture et méditation de Saint Augustin, comme remède à nos désordres politiques

Nombre de penseurs et de questions qu’ils portèrent à la disputatio philosophique sont devenus inaudibles dans notre hypermodernité contemporaine.

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Lecture et méditation de Saint Augustin, comme remède à nos désordres politiques

À cela, plusieurs explications peuvent être avancées : soit que l’on considère, à tort ou à raison, que ces problèmes ont été élucidés, soit qu’ils ne se posent plus du fait de leur obsolescence prétendue, soit que nous sommes désormais devenus sourds à leurs échos qui retentissent pourtant bel et bien sur les parois de nos vaniteux aujourd’hui. On peut aussi ajouter l’état calamiteux de délabrement intellectuel et moral qui affecte nos contemporains, ce qui a pour effet de reléguer ces questions aux marges de l’université, entre les mains d’une épistocratie d’initiés réduite à l’étude solitaire ou à des colloques aussi hermétiques que confidentiels. Mais il importe surtout de ne pas négliger le hiatus artificiellement introduit par la modernité entre philosophie et théologie qui interdit tout raisonnement d’ordre philosophique qui serait fondé sur le postulat indémontrable, mais nécessaire, du Mystère trinitaire. À l’évidence, un penseur comme saint Augustin (354-430), qui faisait profession de concilier la foi et la raison, demeure parfaitement incompris et de peu d’utilité pour nos esprits pauvrement modernes. Il en est ainsi, par exemple, du vieux débat théologico-philosophique entre foi et raison. Si la modernité a congédié la première, elle n’a pas, pour autant, affermi la seconde qui ne manque pas de s’égarer vers d’autres croyances – qui, du fait de leur invincible immanence, la rendent aveugle à toutes vérités aux allures de dissidence, au point, d’ailleurs, de les confondre paradoxalement avec les hérésies des temps, encore pas si lointains, de la foi chrétienne. Le scientisme est une de ces doxas qui, depuis le XIXe siècle, et par rémanence, (im)pose le principe dogmatique d’une infaillibilité de la science (nécessairement) fondée en raison. À ce titre, le grand barnum planétaire covidéen a démontré, jusqu’à la caricature, que la raison pouvait amplement déraisonner et sombrer dans la plus pure irrationalité (« science sans conscience… »). Saint Augustin a montré combien foi et raison se corrigent mutuellement – non dans l’évitement de leurs supposées erreurs respectives, mais dans la rectitude du mouvement conduisant à la vérité de Dieu, à la façon du pilote de ligne rectifiant sans cesse le tracé de son vol –, l’une assignée à la quête de la vérité, l’autre tendue vers sa découverte, les deux adhérant uniment à la sagesse de Dieu. Chacune diminuée de l’autre ne peut que conduire l’humanité au chaos. L’histoire comme l’actualité le démontrent impitoyablement.

L’amour terrestre l’emporte sur l’amour divin

De la même manière, gagnerait-on à ne pas méconnaître les leçons augustiniennes relatives au temps, à l’heure où l’amnésie (du passé, fût-ce le plus récent) et l’hypermnésie (de la mémoire sélective et mythifiée) se conjuguent diablement pour faire oublier l’histoire. En politique, cette ignorance s’avère fatale, ainsi qu’en témoignent les choix et décisions erratiques de nos gouvernants depuis 50 ans. Le souci de l’histoire est au cœur du politique, celle-ci étant la voie d’accomplissement de celle-là, tandis que nos « élites » démiurgiques s’acharnent à évacuer la seconde au prétexte de la finitude de la première au nom d’un supposé effet cliquet progressiste – dont le dernier avatar en date est la proposition du feu-follet Gabriel Attal d’inscrire dans la Constitution un « principe de non-régression sociétale » (sic). Ce faisant, elles renversent l’asymétrie augustinienne du temps en investissant le futur d’une certitude prédictive (irréversibilité acquise des « avancées » sociétales et autres billevesées mémorielles) qu’elles ont amputé au passé en le débarrassant, corollairement, de son patrimoine heuristique (l’expérience vécue de l’humanité) : en d’autres termes, le passé est sommé de n’enseigner plus rien, tandis que le futur, censé s’écrire sous l’éclairage des « conquêtes » progressistes du présent, est connu d’avance. La vanité d’une telle conception qui fait fi de l’éternité, coïncide logiquement, comme si tout se tenait – et l’on ne peut qu’être frappé de constater que les objets d’études et de réflexions d’Augustin soient à ce point harmonieusement reliés entre eux avec une telle cohérence droite –, avec le « projet de (nouvelle) société » portée par ces élites hors-sol/ciel. D’évidence, l’amour terrestre l’emporte sur l’amour divin, ce qui donne, dans la langue poétique d’Augustin : « Deux amours ont fait deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la cité terrestre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité céleste. L’une se glorifie en elle-même, l’autre dans le Seigneur. L’une demande sa gloire aux hommes ; pour l’autre, Dieu témoin de sa conscience est sa plus grande gloire » (La Cité de Dieu, XIV, 28). Depuis (trop) longtemps, hélas, nos gouvernants inclinent vers l’amor sui, celui des honneurs, des places et des prébendes. Ce faisant ont-ils dépossédé les peuples de la « paisible et commune possession de ce qu’ils aiment », soit le Bien commun, cet ordre assis sur la justice et la philia. Les remèdes aux désordres sociaux actuels résident dans le tarissement des vanités humaines de nos ministres qui se servent et feignent de servir.

 

 

 


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