On perçoit beaucoup de panique en ce moment, les bourses tremblent, à commencer par celle de Paris – qui d’ailleurs n’est pas matériellement à Paris mais en Angleterre, inutile donc de venir la consoler au Palais Brongniart. Evidemment, il est facile de chercher des boucs émissaires, cela permet de ne pas avoir à réfléchir, et surtout de rester dans un déni des responsabilités managériales remontant à quarante-cinq ans.
Approchons-nous donc de la révolution économique trumpienne. Nous savons déjà que l’Amérique est posée en déséquilibre sur une montagne de dettes pesant plus d’un tiers du PIB mondial. Les prévisionnistes estiment que si le programme de la candidate battue en novembre avait été appliqué, ce taux serait monté à 42%.
Comme en France, l’Amérique pourrait continuer d’emprunter pour payer de nouveaux crédits. Subtilement, cela évoque la cavalerie : prendre à Pierre pour rembourser Paul, puis emprunter à Paul pour rembourser Pierre. Pour un particulier, c’est illégal, mais les Etats ont pris l’habitude de créer de l’argent magique, de sorte que la dette enfle plus vite que l’économie.
C’est cet afflux massif d’argent, dès avant la Covid, qui a produit de l’inflation, selon le scénario de Friedman dont nous avons dit qu’il excluait toute autre cause. Dans cette situation, normalement, les taux du crédit montent pour juguler l’inflation, et la consommation baisse pour soulager la dette. Pourtant, aux Etats-Unis, l’activité économique est demeurée vivace, mais uniquement ou du moins exagérément parce qu’elle s’est nourrie de dépenses publiques. L’économie américaine est devenue droguée par de l’argent public, de sorte que son premier client est elle-même, puisque les dépenses publiques pèsent pour 25% de son activité. Il va sans dire qu’une telle situation est fragile, parce qu’elle ouvre la porte à des produits toxiques, exactement comme à des virus.
La financiarisation de l’économie ne profite qu’aux plus riches
L’objectif visé est donc de nettoyer l’économie, au point de vouloir même changer la définition du PIB, dont on voit à quel point elle est devenue trompeuse. En effet, le PIB regroupe les dépenses de consommation, les dépenses d’investissement, les exportations nettes et les dépenses gouvernementales. Pourquoi pas ? Normalement, des dépenses gouvernementales sont un signe de bonne santé. Mais quand ces dépenses publiques pèsent aussi lourd, sans production de richesse, quand la cavalerie nous ballade de Pierre à Paul comme un pendule, le PIB devient trompeur.
En agissant sur la financiarisation de l’économie et sur la mondialisation qui ne profitent qu’aux plus riches et maintiennent la population dans un état déplorable que nous avions évoqué à l’automne dernier – pauvreté endémique, 80% de la consommation mondiale de la drogue, obésité à 40%, etc. – on peut prévoir que la révolution actuelle, dans un premier temps, fera baisser le pouvoir d’achat ; mais l’économie se désintoxiquera. Et le secteur privé se verra invité à remplacer la dépense publique.
Bien sûr, cette politique aura un impact mondial, non pas seulement avec les taxes douanières, dont nous avons déjà parlé, mais parce qu’elle suppose également que l’Amérique renonce à sa politique impériale, extrêmement coûteuse et déficitaire, pour se replier sur son périmètre propre. Donc, plus de guerres qui ruinent le pays en n’enrichissant que le lobby militaro-industriel, et moins de dépenses militaires pour imposer la pax americana : à la place, un monde multipolaire… Tel est d’ailleurs le destin de tous les empires que de se retirer tôt ou tard.
Alors en effet la finance mondiale – qui, au passage, possède les outils d’information des masses – n’apprécie pas cette politique, qui à long terme nuira aux plus riches et protègera les plus pauvres, les premiers exposés à la menace d’une faillite générale. La richesse la plus sûre vient de la production, de la transformation, plutôt que de la spéculation et la simple consommation à faible coût.