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« La vérité permet d’agir »

Puisque François Bayrou se réclame de la vérité, il faut – avec lui ? – considérer en vérité l’état de la France et confronter le discours politique à la réalité des faits. Mais justement, le politique ment et veut faire retomber sur les Français la faute de ses propres errements. La vérité, c’est que la République a renoncé.

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« La vérité permet d’agir »

C’est ainsi que François Bayrou a intitulé la conférence de presse du 15 avril dernier destinée à présenter les orientations budgétaires rendues nécessaires par « la gravité de la situation » et au cours de laquelle il a surtout parlé pour ne rien dire. Plus exactement, il a annoncé qu’il en dirait plus avant le 14 juillet. Pour l’instant donc, ne reste de cet exercice de communication que le titre : « la vérité permet d’agir » !

La vérité budgétaire

Appliquant à la lettre la consigne du chef du Gouvernement, le ministre de l’Économie a avoué qu’il faudrait trouver en 2026, 40 milliards d’euros d’économie. Il n’a pas précisé si cette « baisse » de 40 milliards devait être calculée à partir du budget de 2025 ou, comme l’avait fait Michel Barnier, par rapport à un hypothétique budget que les hauts fonctionnaires de Bercy auraient souhaité pour 2026. Peu importe, ce qui compte, c’est le chiffre. Par contre, il n’a pas oublié de marteler que ces « économies » ne conduiraient pas à une augmentation des « impôts des classes moyennes ou des entreprises ». Chacun a donc inconsciemment dû comprendre que l’État s’apprêtait à réduire ses dépenses de 40 milliards. Comme on s’en doutait, le prélèvement exceptionnel sur les hauts revenus devrait être reconduit, contrairement aux promesses du Gouvernement précédent. La ministre des Comptes publics a ajouté qu’il faudrait aussi faire disparaître « les niches fiscales inutiles ». Les retraités vont ainsi perdre l’abattement de 10 % dont ils bénéficient (sic) pour calculer le montant de l’impôt qu’ils doivent payer sur les retraites qu’ils perçoivent. Dans le même temps, les collectivités locales vont augmenter les taux des taxes foncières et leur assiette en y incluant les terrasses et balcons non répertoriés, mais ce n’est pas une augmentation des impôts d’État, pas plus que l’augmentation des frais de notaires ! Le Premier ministre a parlé vrai : il n’y aura pas d’impôts supplémentaires, simplement une augmentation de la pression fiscale qui fera à peine augmenter la part du PIB transitant dans les caisses de l’État.

La vérité économique

Le Premier ministre a tenu à préciser que « si notre production par habitant était dans la même gamme que celle de nos voisins européens, nous n’aurions pas de déficit budgétaire ». Il faut donc que les Français se mettent à travailler plus jeunes et partent à la retraite plus vieux. Mais c’est aux partenaires sociaux de se mettre d’accord sinon ils seront responsables de la grave crise qui continuera à enfler. Si la société américaine Owens-Illinois a décidé de fermer la verrerie de Vergèze qu’elle avait rachetée en 2011, ce n’est qu’une péripétie. Si le tribunal de Grenoble décide que Vencorex doit être reprise par le Hongrois BorsodChem (filiale du groupe chinois Wunhua) qui réduira l’effectif de 465 à 54 personnes, il n’y a rien à redire compte tenu de la sacro-sainte séparation des pouvoirs. De même si le Premier ministre souhaite que les Français changent de mode de consommation afin de « réduire nos dépendances agricoles et industrielles », il compte probablement sur la Commission européenne pour ne pas mettre en œuvre le traité du Mercosur lequel ne pourrait pas manquer d’accroître la concurrence déloyale dont souffrent nos agriculteurs. Si les effets ne sont pas, demain, à la hauteur des espérances, ce sera donc la faute des citoyens égoïstes qui n’auront pas abandonné leurs mauvaises habitudes de chercher à consommer toujours plus en payant toujours moins.

La vérité judiciaire

Au pays de la Liberté, un journaliste, Éric Zemmour, ne peut plus dire à la télévision ce qui est l’opinion commune de la plupart des historiens sans être condamné à verser une certaine somme dans les caisses de l’État. Il est vrai qu’elles ont besoin d’être renflouées lorsque des champs d’éoliennes construits à grand renfort de subventions publiques sont arrêtées parce qu’un aigle royal a été tué par les pales d’un rotor. Avant ce revers, les écologistes avaient réussi à obtenir l’arrêt du chantier d’une autoroute pour préserver l’habitat de petits animaux, habitat déjà détruit par l’avancée des travaux. Mais cette victoire judiciaire qui met à mal une décision politique légalement prise et qui pénalise une population importante, aura un coût exorbitant car il faudra indemniser les entreprises mises à l’arrêt, prendre en charge le coût du chômage des personnels licenciés, consolider les ouvrages d’art inachevés et devenus inutiles… sans compter qu’il a fallu payer les magistrats qui se sont penchés sur cette affaire sérieuse au détriment de la lutte contre le terrorisme ou le narcotrafic.

La vérité sociétale

Comme l’avait encore promis le président de la République lors de sa visite aux hauts dignitaires de la rue Cadet, après avoir inscrit l’avortement dans la Constitution, il va imposer l’euthanasie. Certes, le président français n’a pas le vocabulaire outrancier de son homologue américain, aussi n’a-t-il parlé que d’« interruption volontaire de grossesse » et d’« aide à mourir »… par souci de ne pas effrayer la partie la plus âgée de son électorat ! Or, comme nous sommes dans un pays où l’égalité n’est plus à rechercher entre les citoyens mais entre les habitants, qu’ils soient réguliers ou non, Madame Rousseau a suggéré « que ce droit soit accessible à tout le monde », y compris donc aux clandestins. Que cela coûte de l’argent – car naturellement ces interventions seront gratuites pour ceux qui demanderont à en bénéficier (sic) – alors que la Sécurité Sociale est déjà fortement en déficit et que le système de santé publique est en situation délicate, peu importe. Les « Sages » de la rue Cambon ont trouvé la solution : il suffit de « repenser le champ des soins remboursés par l’assurance maladie obligatoire en fonction du niveau de revenus des assurés ». En clair les « riches » ne seront plus intégralement remboursés pour leurs soins, même indispensables. Pas d’impôt supplémentaire donc, mais un système facile à faire évoluer puisqu’il suffira de ne pas indexer sur l’inflation le seuil à partir duquel un individu sera déclaré riche.

La vérité religieuse

Alors que les églises affectées par l’État au culte catholique ont une fâcheuse tendance à prendre feu, alors que les statues de saints perdent de plus en plus leur tête quand elles ne tombent pas de leur piédestal, alors que les attentats contre les Juifs se multiplient, LFI ne trouve rien de plus urgent que de demander l’ouverture d’une commission spéciale pour lutter contre l’islamophobie. Il est vrai que ce parti ne fait que mettre ses pas dans ceux de la Commission européenne qui, dans le plus grand secret et depuis quelques années – mais c’était avant le discours de François Bayrou –, finance avec notre argent le projet « EuQo » destiné à mettre en lumière la façon dont le Coran « a influencé la culture et la religion en Europe entre 1150 et 1850 ». En pleine continuité avec le refus par le président Chirac, de considérer que l’Europe avait des racines chrétiennes. Ce projet, explique la Commission européenne, « repose sur la conviction que le Coran a joué un rôle important dans la formation de la diversité et de l’identité religieuses européennes médiévales et modernes et continue de le faire. »

« Tout va très bien, Madame la marquise »

Comme dans la chanson, il faut remonter par étapes des « vérités » du moment à la cause première du désastre. Si les finances publiques sont en état de faillite avancée c’est parce que l’État, dans un processus de fuite en avant, a abandonné ses responsabilités régaliennes pour se cantonner à une activité d’assistante sociale – cela est plus facile à argumenter lors des campagnes électorales et surtout plus payant ! Et si l’État est devenu assistante sociale c’est parce que la société française a perdu le goût de vivre et choisi de se suicider en se débarrassant des valeurs sur lesquelles était fondée sa civilisation.

 

Illustration : François Bayrou met en scène son incapacité.

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