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A lire, cette semaine

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A lire, cette semaine

9782709644884-001-X_0Paisible pays que la Norvège. Il ne s’y passe jamais rien et la criminalité y reste à un niveau raisonnable. L’émotion est donc d’autant plus forte quand survient l’invraisemblable : un tueur en série enlève des fillettes de six ans, les habille en écolières d’autrefois et les pend dans les bois, telles des poupées macabres.

À la seconde petite victime, l’affaire prend assez mauvaise tournure pour que l’on réveille une cellule spéciale de la police, supprimée à la suite d’une bavure, et que l’on récupère ses anciens membres, à commencer par le commissaire Munch et sa brillante adjointe, Mia Krüger. Mais les années ont passé. Munch a pris du poids et de la bouteille, la prodigieuse Mia, défoncée à l’alcool et aux antidépresseurs, veut se suicider. Jusqu’à l’instant où, daignant ouvrir le dossier, elle repère le détail révélateur échappé aux autres et comprend qu’elle est la seule capable d’arrêter le massacre. À condition d’élucider une affaire vieille de six ans classée un peu vite …

Diabolique, terrifiant, construit avec une maîtrise infernale du suspens, un sens de l’intrigue et du récit parvenu à la perfection, le roman de Bjørk joue avec les nerfs et les peurs du lecteur, l’égarant dans les noirceurs d’un monde et d’une société moins innocents et plus désespérés qu’il y paraît. Vous ne lâcherez pas le livre avant la dernière page.

Samuel Bjørk : Je voyage seule, Lattès ; 506 p ; 22 €.

51uwpFwwGTL._SX335_BO1,204,203,200_Morte en 1849 à vingt-huit ans, Anne Brontë n’a pas connu, malgré le succès d’Agnes Grey, une gloire posthume égale à celle de ses sœurs, Emily et Charlotte, auteurs des Hauts de Hurlevent et de Jane Eyre. Peu avant sa disparition prématurée, Anne publia, sous le pseudonyme masculin d’Acton Bell, La recluse de Wildfell Hall, qui devait lui valoir les faveurs du public et les foudres de la censure car il s’agissait d’une revendication des droits de la femme jugée déplacée par la bonne société victorienne.

Helen Huntingdon, mariée à une brute alcoolique qui, non contente de la tromper, la bat, abandonne le domicile conjugal en emmenant son fils. Avec la complicité de son frère, la jeune femme trouve refuge dans un manoir délabré du Yorkshire et gagne sa vie en peignant. Cependant, très vite, l’étrange attitude de la prétendue veuve fait jaser, et Gilbert Markham, un propriétaire exploitant qui s’est épris d’elle, se prend à douter à son tour…

Ainsi résumée, l’intrigue semble banale, à condition d’oublier combien le choix d’Helen, à l’époque, en Angleterre, paraissait scandaleux, au point que cette édition est la première à restituer les passages coupés au XIXe siècle. En justifiant cette rupture des chaînes conjugales et la revendication de l’émancipation féminine, Anne Brontë défiait cependant peut-être moins la morale puritaine qu’en offrant, des petites sociétés bien-pensantes de sa province, une peinture au vitriol qui prouve son immense talent mais dont la véracité et la férocité font encore froid dans le dos.

Anne Brontë : La recluse de Wildfell Hall, Phébus Libretto ; 555 p ; 12,80 €.

COGNAC 01 C1C4_2.inddCorrespondante de guerre, Anna-Fanély Simon est fatiguée des tueries. Pour oublier, elle accepte un reportage consacré au cognac, prétexte à revoir sa Charente natale quittée vingt ans plus tôt. Malheureusement, à peine arrivée, elle apprend la mort tragique d’Alice, une amie d’enfance qu’elle se réjouissait de retrouver : la jeune femme a été découverte assassinée, son mari pendu, la police a conclu à un crime passionnel suivi d’un suicide.

Il ne faut pas longtemps à la journaliste pour mesurer la fragilité de ce scénario auquel aucun proche du couple ne croit. D’ailleurs, d’inestimables flacons de cognac hors d’âge, fierté et assurance financière de leur petite entreprise, ont disparu de la cave des victimes. Décidée à élucider les circonstances de la mort de son amie, Anna se met à poser des questions. Vite dérangeantes…

Certes, il s’agit d’un prétexte à raconter l’histoire du cognac et de son élaboration, mais ce premier tome est bien fait, le graphisme élégant, la promenade dans les vignobles et chais plaisante. Quant à l’intrigue, elle se révèle assez prometteuse pour faire passer pas mal de choses, jusqu’aux goûts ambivalents de l’héroïne.

Chapuzet, Corbeyran et Brahy : Cognac, tome 1, la part des démons, Delcourt ; 48 p ; 10,95 €.

61Uv5u-uAYL._SX351_BO1,204,203,200_L’histoire officielle a occulté ou peint sous un jour odieux la résistance quasi unanime des Français à la Révolution. Pourtant, la vérité est là : personne ou presque en France n’adhéra au renversement de l’ordre traditionnel monarchique et chrétien. Beaucoup, partout à travers le pays, poussés à bout, prirent les armes, ou tentèrent de les prendre, pour s’opposer aux menées révolutionnaires. Hormis dans l’Ouest, où le soulèvement fut impossible à maîtriser, ces insurrections locales, improvisées, furent écrasées sans pitié en peu de jours puis passées sous silence jusqu’à les faire sombrer dans un oubli immérité. À une exception près, mais largement ignorée : la Martinique où les révoltés triomphèrent.

Dans l’île, dès les premières nouvelles des événements en métropole, planteurs issus de l’aristocratie et très attachés à l’ordre ancien, mais aussi esclaves fidèles à leurs maîtres et affranchis, éprouvent une répulsion immédiate envers la Révolution. Dès 1790, les Martiniquais se rebellent contre les nouveaux administrateurs et les habitants de Saint-Pierre gagnés au changement. Phénomène étonnant puisqu’en France même, paralysés par l’apparent accord de Louis XVI aux changements, les royalistes n’osent bouger avant l’été 1792. Les Martiniquais, eux, n’attendront pas pour prendre les armes. Soutenus par les Anglais, trop contents de contrôler les Antilles françaises, ils échapperont, malgré quelques drames, au pire de la Terreur qui se déchaînera en Guadeloupe.

Odile de Lacoste Lareymondie descend de Bernard de Percin, dit Percin Canon en raison de ses faits d’armes, chef charismatique de cette révolte méconnue. S’appuyant sur les souvenirs familiaux, les traditions locales, elle raconte avec passion et émotion cette geste aux parfums de rhum, de canne à sucre, de fleurs tropicales et de poudre.
Les belles préfaces de Philippe Pichot-Bravard et Reynald Secher ajoutent à la valeur de cet intéressant petit livre.

Odile de Lacoste Lareymondie : Vendée créole, la chouannerie en Martinique, Via Romana ; 90 p ; 15 €.

1646615_6_facc_couverture-de-l-ouvrage-de-david-hirst-une_f90738c5d45b2cba3881ac4bffc63d02En intitulant Une histoire du Liban l’essai du journaliste anglais David Hirst Beware of Small States, littéralement « prenez garde aux petits États », son éditeur français ne rend pas compte du véritable contenu d’un ouvrage qui n’est, ni de près ni de loin une histoire de ce pays mais plutôt une analyse géostratégique, très engagée et marquée à gauche, des déséquilibres engendrés, selon l’auteur, au Proche Orient, non seulement par la fondation d’Israël mais par celle d’un Liban indépendant, séparé d’une Syrie dont il serait le prolongement naturel et légitime, au demeurant trop faible pour n’être pas la première victime des calculs internationaux et des ambitions de voisins plus forts que lui.

Depuis la parution de l’ouvrage en langue anglaise, en 2010, bien des événements sont venus secouer le monde arabe, de telle sorte que les analyses, déjà passablement partisanes, de l’auteur, sembleront aujourd’hui plus encore qu’il y a un lustre quelque peu décalées. En effet, David Hirst ne cache pas ses sympathies pour la cause arabe en général et palestinienne en particulier, choix qu’on ne saurait lui reprocher, même si, dans le contexte actuel, on s’étonnera d’un antisionisme tellement virulent qu’il frise parfois l’antisémitisme … Hirst déteste la France, en tant que puissance coloniale et pays autrefois catholique, protectrice de chrétiens libanais haïs en raison de leurs choix politiques et leurs « compromissions » avec les Israéliens, n’aime guère non plus sa Grande-Bretagne natale, rejet idéologique assez fréquent, hélas. Si vous additionnez ces partis pris, sur lesquels se fondent l’ensemble de son décryptage, vous arrivez à une lecture orientée et intellectuellement faussée des conflits qui agitent un territoire libanais auquel l’auteur dénie tout droit à l’existence. Cependant, à condition de conserver ce détail à l’esprit, son ouvrage peut constituer une utile chronologie détaillée des événements, de 1919 à nos jours.

David Hirst : Une histoire du Liban, Perrin Tempus ; 685 p ; 12 €.

jud5En 1962, Roger Caillois reçut le Goncourt pour son Ponce Pilate, une variation parmi les très nombreuses qu’a suscitées le préfet de Judée. L’intérêt de ce récit était de prendre le contre-pied des évangiles et d’imaginer que Pilate, informé par un mage chaldéen des conséquences incalculables de son jugement, décidait de relâcher le Christ et empêchait l’accomplissement de la Rédemption.
Autrement dit, en usant de son libre arbitre, en cédant aux supplications de son épouse, en optant pour la justice contre le droit, en bravant le Sanhédrin et refusant d’appliquer les accords entre Rome et Jérusalem, le haut fonctionnaire contrariait les plans de Dieu. Définitivement ? Caillois le supposait. Il y a, l’on en conviendra, motif à s’interroger sur la liberté humaine, le bien et le mal, les risques acceptés par Dieu quand Il s’abandonne aux caprices, sottises et bonnes intentions de ses créatures … Questions que Caillois, d’ailleurs, laissait en suspens.

François Sureau, l’un des écrivains catholiques qui comptent, a repris le thème de ce Goncourt oublié et en a tiré un « mystère ». Beau prétexte, auquel tout chrétien, un jour ou l’autre, devrait s’essayer, de se confronter aux grandes interrogations évangéliques. Pilate, ce pourrait être nous, tout comme le centurion auquel Sureau consacre un texte plus court, qui donne son nom au volume.

François Sureau : J’ai des soldats sous mes ordres, Salvator ; 190 p ; 18 €.

9782264063779Démobilisé en 1919, le jeune pianiste Jeremy Nelson a renoncé à regagner les États-Unis où personne ne l’attend plus. Resté en France, installé à Paris, il tente de remonter la trace d’un père qu’il n’a jamais connu mais espère retrouver. Il n’imagine pas que ses questions maladroites vont semer l’émoi à travers Belleville, quartier où son père résida peut-être jadis mais où d’autres drames se sont joués depuis.

Tandis que l’innocent Jeremy révolutionne Le Mi Ka Do, minable cabaret des faubourgs en faisant découvrir le jazz aux Parisiens, certains le soupçonnent d’enquêter sur la disparition du propriétaire, lui aussi américain. Or, personne, dans le quartier, n’a intérêt à ce que l’on sache ce qu’est devenu le peu fréquentable Bradford.

Claude Izner a quitté, au terme d’une douzaine d’enquêtes dans le Paris des années 1880 le libraire Legris, son héros récurent, et fait un saut dans l’avenir. L’on ne sait trop si l’on s’attachera à Nelson, qui, pour le moment, manque un peu de carrure. En revanche, les deux sœurs bouquinistes dissimulées sous un unique pseudonyme n’ont rien perdu, en changeant d’époque, de leur habileté à ressusciter le passé parisien. C’est d’abord pour l’ambiance des années 20, les bouleversements produits par la guerre, la démolition des fortifs ou des derniers vestiges de l’exposition universelle de 1900, les traces des bombes de la Grosse Bertha que l’on poursuit la lecture. L’ambiance ici séduit plus que l’intrigue, et c’est peut-être tant mieux.

Claude Izner : Le pas du renard, 10-18 ; 334 p ; 16,90 €.

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