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Crise agricole : à quoi sert le gouvernement ?

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Crise agricole : à quoi sert le gouvernement ?

Le gouvernement, Premier ministre et ministre de l’Agriculture en tête, est incapable d’offrir des solutions aux problèmes de l’agriculture. Il se déclare même incompétent sur le sujet !

Au moment où s’ouvre le Salon de l’Agriculture, dans un climat électrique, le Premier ministre, Manuel Valls, annonce solennellement qu’il va demander à la Commission européenne de présenter des propositions fortes pour résoudre la crise agricole ! Autrement dit, lui-même n’est pas compétent pour répondre aux angoisses des agriculteurs français. Son pouvoir serait donc nul. Son ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, n’a donc aucune raison de stigmatiser les agriculteurs français comme il l’a fait dans La Croix du 26 février 2016 : « Je ne comprends pas cette incapacité des acteurs français à dialoguer ». Dialoguer, oui ; mais avec qui et pour quoi faire si tout le monde – sauf la Commission européenne – est impuissant pour mettre un terme à cette crise ?

Pourtant, le gouvernement n’est pas resté sans rien faire. Il a décidé de baisser les charges sociales et fiscales pour l’année. Une telle mesure n’est pas simplement un constat d’impuissance, c’est une double faute. En effet, c’est une injure faite au monde agricole car lorsque ce dernier demande un environnement juste qui lui permette de vivre honnêtement de son travail on lui répond par une aumône. C’est ensuite une décision qui ne règle rien puisqu’elle répond par une mesure ponctuelle à un problème structurel. Elle ne fait donc que renvoyer la solution du problème à un gouvernement ultérieur… laissant en l’état les causes même du désordre actuel.

Dans La Croix, le ministre de l’Agriculture se défausse en renvoyant les agriculteurs nationaux à des négociations avec les multinationales de la grande distribution et de l’industrie agro-alimentaire, comme si les deux parties avaient un même pouvoir de discussion. Nouveau Ponce Pilate, le ministre se déclare incompétent pour fixer les prix… ce qui n’est pas ce qu’on lui demande. On lui demande simplement de fixer les conditions d’une négociation véritable, d’un dialogue réel. Et, si celles-ci sont impossibles à établir, alors son devoir est de protéger les intérêts des nationaux face à ceux de la finance internationale. Il faut dire qu’on aurait été été étonné qu’il ait lu le texte de l’intervention de Fabrice Hadjadj au Congrès de Cor Unum sur « Deus Caritas est » qui s’est tenu à Rome, le 25 février. Sinon, il aurait su que « la base de l’économie n’est pas dans la haute finance mais dans l’agriculture ».

Dans ce même journal, Stéphane Le Foll avoue son impuissance totale. A la question qui lui était posée de savoir ce qu’il attend du Commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan, il ne trouve rien d’autre à répondre que : « Qu’il nous laisse mettre en place l’expérimentation sur l’étiquetage de l’origine des viandes dans les produits transformés. Un décret est prêt en France mais nous sommes bloqués par la Commission pour l’imposer aux industriels ». Alors, à quoi sert-il ? A quémander quelque assouplissement à Bruxelles qui ne règlera aucun problème ? Tout le monde sait que les intérêts des multinationales – qui peuvent s’offrir les services des lobbyistes – ne sont pas forcément ceux des agriculteurs nationaux ! D’ailleurs, dans cette mission de simple commis voyageur, il avoue qu’ « autour de la table, à Bruxelles, [il] se sen[t] souvent un peu seul sur ces sujets ».

Face à ce naufrage de l’agriculture française, le gouvernement a-t-il des chances d’être entendu ? S’il en reste aux seuls arguments de justice et de défense des agriculteurs français la réponse est clairement non. C’est pourquoi Manuel Valls a avancé le seul argument qu’il a pensé susceptible d’être entendu : « L’Europe connaît déjà suffisamment de crises et de défis, menaces terroristes, crise des réfugiés, il ne [faudrait] pas que se rajoute une crise agricole majeure qui mettrait en cause le projet européen ». Voici donc les agriculteurs français mis sur le même plan que les terroristes !

Incapable de traiter le problème dans sa globalité, refusant de s’atteler à la résolution de la seule question qui justifie sa mission, à savoir de veiller au bon fonctionnement de la société nationale, il ne focalise son attention que sur « la surproduction dans les secteurs du porc et du lait » et ne trouve comme seule solution que d’obtenir, par la Commission européenne interposée, « la levée de l’embargo sanitaire russe ». Incompétent certes, mais pas responsable ni coupable !

Ne doutons pas cependant que tous les hommes politiques français rêvent de venir visiter le Salon de l’agriculture, quoiqu’ils sachent tous qu’ils seront demain incapables de répondre aux attentes des agriculteurs. Mais ils savent surtout que, pour l’instant encore, cela rapporte des voix pour les prochaines élections.

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