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TV : BHL chez Ruquier

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TV : BHL chez Ruquier

Il faut toujours garder une certaine distance quand on regarde une émission avec Bernard-Henri Lévy… Dans On n’est pas couché, ce samedi soir, cette précaution fut encore nécessaire.

L’esprit du judaïsme. Tel est le titre de son dernier livre. BHL est venu en assurer la promotion sur le plateau de Ruquier. Sans sa chemise blanche, pour une fois, comme il en plaisante lui-même, faisant preuve d’un minimum d’auto-dérision… Il en est donc capable, se dit-on ! Au moins une fois. Car, durant toute l’émission, BHL a affiché sa mine la plus grave, la plus sérieuse, celle qu’il arborait sur les théâtres d’opérations à travers le monde, dans des conditions certes parfois surprenantes, entre un char éventré et une caméra.

Quoi qu’il en soit, la première partie de l’émission est intéressante, bien que peu originale. Il est question de l’antisémitisme en France et de son évolution à travers les siècles. De Philippe Le Bel à Alain Soral et Dieudonné en passant par Bernanos et Céline. Le grand écart historique et intellectuel. S’il s’incline devant le génie littéraire des deux écrivains, il ne montre une grande estime pour le fondateur d’Egalité & réconciliation et l’humoriste franco-camerounais. «Des crânes rasés de la pensée », dit BHL dans une formule qui fait mouche ! De bonne guerre, tant la rivalité est forte entre les trois hommes. Mais contrairement à d’autres, BHL n’invite pas les juifs de France à quitter le pays pour Israël. Il dit clairement que l’antisémitisme est moins prégnant qu’avant. Soulagement général : ce soir, pas d’excès de langage, ni de procès général, ni d’inquisition. Pour l’instant, du moins.

La discussion glisse ensuite sur l’auteur lui-même. Il est question de son identité juive – qu’il ne juge pas malheureuse, à l’inverse d’un Finkielkraut -, et de son rapport au judaïsme. Un judaïsme qu’’il peine à définir, d’abord parce qu’il se définit comme un juif laïc pour qui « Dieu n’est pas la question de (son) livre, ni de (sa) vie ». On sent l’émission prendre une tournure prometteuse. Qu’est-ce qu’être juif ? Dans L’esprit du judaïsme, rappelle Yann Moix, BHL évoque longuement le livre de Jonas. Ce prophète, qui a pour mission d’alerter la ville de Ninive de sa destruction par Dieu, accomplit sa tâche après moult péripéties.

On y est : BHL se considère comme le Jonas moderne. D’où son interventionnisme, d’où sa volonté de se rendre dans les pays en guerre, d’où ce besoin quasi-frénétique d’action. Sauf, qu’il n’y a plus « une » mais « des » Ninive. Et qu’il n’y a qu’un seul Jonas-BHL. Le philosophe ne dispose pas parmi ses nombreux talents de celui d’ubiquité…

C’est là qu’intervient Léa Salamé. Après avoir doctement expliqué que Descartes a été excommunié (ah bon ?), elle rappelle à notre philosophe, avec un peu plus d’à-propos, les conséquences funestes de son rôle auprès de Sarkozy et de l’intervention militaire en Libye. Nul besoin de rappeler le chaos en Libye et au Proche-Orient après la chute de Kadhafi.

BHL se défend comme il peut, de manière plus ou moins adroite, arguant qu’on ne peut pas le tenir responsable des conséquences de l’intervention, une intervention motivée par les meilleures intentions. Doit-on refuser d’agir au prétexte que les événements peuvent prendre une mauvaise tournure, demande le philosophe ? Doit-on refuser aux peuples l’accès à la démocratie ? Eternelles rengaines universalistes. Au moins, réfute-t-il le dogme du « sens de l’histoire ».

L’émission continue avec la réhabilitation de l’apport des juifs dans l’histoire de l’humanité. BHL laisse échapper cette phrase hallucinante : « Les juifs sont une escorte discrète et silencieuse pour les autres nations ». Toute critique pouvant être mal interprétée… Prudence, donc.

Non content de son petit effet, BHL, en quelques mots, réussit à provoquer l’incrédulité de Laurent Ruquier. Des propos repris par tous les sites d’informations et qui suscitent une vive polémique. Alors qu’il explique que le traitement de Laurent Fabius, dans l’affaire du sang contaminé, a des relents antisémites, il enfonce le clou à propos de l’affaire DSK : ce n’est « certainement pas un complot mais la façon dont une partie de la presse s’est emparée de cette histoire, en a fait une espèce de monstre où toutes les frustrations, les désirs inavoués… Moi je me rappelle certains hommes politiques devenant littéralement fous face à cette affaire DSK. (…) Je ne me suis jamais posé la question de s’il y entrait de l’antisémite… mais puisque vous me posez la question, il y entrait probablement une part d’antisémitisme. »

Impossible de lui donner raison, même avec les meilleures intentions philosémites du monde. Dommage pour lui et la crédibilité de ses propos. Il est si rare d’entendre les noms de Péguy, de Chateaubriand ou de Bernanos à une heure de grande écoute. Pour BHL, qui avait jusqu’ici réussi à sortir de son rôle de bretteur à la faconde un tantinet pénible, la chute est terrible. De son passage, il ne restera que la polémique.

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