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Forfaiture et dissidence

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Forfaiture et dissidence

En avril dernier, le chef d’état-major de l’armée de l’air évoquait la nécessité de «faire évoluer, sur le plan de la souveraineté, les liaisons actuelles telles que la Liaison 16». Longtemps partisan inconditionnel de ce système de communication américain, il reconnaissait donc, à demi-mots, qu’il s’était trompé. Trop tard ! L’installation sur l’ensemble de notre aviation de chasse de la Liaison 16 venait de s’achever : un fiasco d’un demi-milliard d’euros, le chantier ayant paralysé pendant des années des escadres en surchauffe opérationnelle. Il nous coûte, en sus, 10 ans de retard dans le domaine ultra-sensible des liaisons de données tactiques.

Comme en écho, le patron des opérations aériennes déplorait, en décembre, nos difficultés de coordination avec les aviations russe et syrienne « qu’il faut améliorer sous peine de mettre en jeu la sécurité́ de nos équipages ». En clair, en Syrie comme en Afghanistan, en Libye ou en Afrique, la Liaison 16 ne sert à rien (cf. : Voyage en absurdie).

La L 16 a été adopté en 1995 en violation des règles de programmation militaire par une génération d’officiers issue de mai 68, et dont il a bien fallu se contenter, 30 ans après, à la direction centrale. Conçue pour la guerre froide, archaïque sur les plans technique et conceptuel, elle est verrouillée par le Pentagone qui la contrôle et la modifie à son gré. Notre armée a juste le droit de payer les mises à jour d’un système qui mine la souveraineté opérationnelle de nos forces !

Une dissidence, minoritaire mais forte de la justesse de ses analyses et de sa légitimité opérationnelle, avait tenté de résister, dès 1995, aux sectateurs de la liaison 16. Mais malgré quelques succès ponctuels en état-major, elle était trop isolée pour remporter la partie. Quant à ceux qui avaient compris les enjeux, beaucoup, par appétit de carrière, avaient préféré se taire.

Un dossier avait été instruit et monté au sommet de la hiérarchie. Seul le général Bentégeat (photo) avait réagi : en 2004, il interdisait la L 16 sur les Rafale en mission stratégique. Mais, après son départ, il avait fallu passer en force pour briser l’omerta et l’affaire fut portée à l’élysée. Silences gênés, indifférence calculée, réponses péremptoires ou menaces à peine voilées : le sujet était trop ésotérique pour en tirer des avantages politiciens et potentiellement explosif par l’éminence de ceux qui s’y étaient compromis. Cependant, la dissidence ne fut pas sanctionnée. Le Conseil d’Etat ne l’aurait pas admis. On bloqua simplement l’avancement des récalcitrants.

En 2012, le député Jacques Bompard posait à l’Assemblée une question écrite sur la Liaison 16. Elle resta sans réponse. Un général, retiré de ces affaires qu’il avait bien connues, s’en étonna auprès du ministre. Il lui en proposa une. Parut alors au J.O. celle, piteuse, des états-majors dont notre général adressa au ministre une critique cinglante restée, elle aussi, sans réponse. Interpellés par ces échanges, deux sénateurs voulurent alors le rencontrer. Curieusement, ils annulèrent le rendez-vous au dernier moment. On en resta là.

Pour autant, plus personne à Brienne n’ignore que notre aviation a été dotée, en dépit du bon sens, d’un système américain ruineux et inadapté qui compromet lourdement notre indépendance. Ainsi mensonges, esquives et silences coupables en des matières sensibles confinent-ils parfois à la forfaiture.

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