Il était une fois, dans une galaxie au cœur du cosmos, une jolie planète bleue (qu’un certain poète avait dite « comme une orange »). Sur cette planète était le Pays des Lys, un très beau royaume, habité par un peuple ancien et un peu vieillissant ; il avait, au cours de son histoire, donné naissance à des poètes, des guerriers, des ingénieurs, des paysans-jardiniers, des femmes plus ou moins belles, plus ou moins fatales, des mères aimantes, des pères généreux , des bandits, aussi.
Il avait été gouverné par des rois, plusieurs dizaines, qui avaient régné dans l’ensemble plutôt sagement, arrondissant patiemment leur domaine, se montrant volontiers amis et protecteurs des humbles et quand il le fallait, durs envers les puissants et les arrogants qui de temps en temps menaçaient le royaume de l’extérieur, et aussi de l’intérieur.
Mais ils ne purent empêcher des factions d’intellectuels et de riches bourgeois de se lever et répandre la division, reniant la Religion du prince et de ses sujets, socle et ferment de l’unité du royaume.
Et le dernier roi d’une longue lignée fut détrôné, condamné à mort et exécuté. Alors commença une période sombre et chaotique de l’histoire des Lys, qui ne savaient plus très bien en vérité quel gouvernement se donner ; les intellectuels et les bourgeois qui avaient renversé le roi imposèrent au pays leurs chimères et leurs fumeuses théories ; détestant la Religion de leurs ancêtres, ils se mirent en tête d’en inventer une nouvelle, beaucoup moins belle que l’ancienne, qu’en réalité ils ne faisaient que singer à leur profit.
La vilaine politique suivait son cours
Faute de mieux, ils se donnèrent des simulacres de rois, qu’ils prétendaient surveiller de près et remplacer régulièrement au moyen de dispositifs artificieux, qui rapidement ne trompèrent plus grand monde. Ils furent incapables d’éviter le déclenchement de guerres de plus en plus meurtrières qui ruinèrent le pays ; beaucoup souffrirent et moururent ; beaucoup, parmi ce peuple autrefois si vaillant, se mirent à ne plus croire en rien d’autre qu’à l’argent et aux petits plaisirs mesquins qu’il procurait. Mais malgré le malheur et le dégoût, le vieux fonds de bon sens et de générosité subsistait, une petite flamme persistait à briller, un courant d’espérance affleurait ici et là, dans les métiers, les familles et les communautés fidèles à l’Ancienne Religion.
Cependant, la vilaine politique suivait son cours et parvint au pouvoir un homme que nous appellerons Narcisse ; il avait séduit beaucoup de monde par sa faconde et son art d’emberlificoter les comptes ; en réalité, il n’était passionné que de lui-même, et il consacrait tous ses efforts à façonner son image et ce qu’il croyait être son destin, auquel il sacrifiait sans vergogne les richesses du pays.
Beaucoup craignaient de déplaire
Enfin, ce pauvre Pays des Lys était profondément divisé ; nous citerons trois factions ou tendances : les Pagans, les Katoms, et les Mudurs. Les Pagans étaient les descendants et héritiers des meurtriers du Roi : à la fois médiocres et arrogants, ils accaparaient les postes et les honneurs, ne croyaient en rien, tout en protestant de leur dévouement à leur « gouvernance » et à ses prétendues « valeurs ». Les Katoms étaient de discrets fidèles à l’Ancienne Religion ; ils étaient en réalité très peu à la pratiquer, et craignaient beaucoup de déplaire aux Pagans, au point de voter pour eux régulièrement.
Les Mudurs, eux, avaient des convictions religieuses affirmées ; ils étaient d’origines, de coutumes et de mœurs étrangères et faisaient venir au Pays des Lys leurs femmes, leurs frères et leurs cousins. Ils méprisaient ouvertement les Pagans et les Katoms, et leurs chefs méditaient de prendre le pouvoir des Lys et de la planète entière, par la ruse ou par la force. Que croyez-vous qu’il arriva, ami lecteur ? Malheureusement, à l’heure où s’écrivent ces lignes, nous manquons d’informations sur la suite de l’histoire du Pays des Lys et de l’éventuel sursaut de son peuple.