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La France de retour en Afrique

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La France de retour en Afrique

C’est bien la France qui a été accueillie avec des cris de joie à Bamako quand nos troupes y ont débarqué. Nouvelle preuve de la force des liens historiques : il n’y eut jamais rien de tel à Kaboul. Nos « partenaires » européens l’ont d’ailleurs bien compris en s’abstenant de nous aider. A l’exception de ceux qui songent le plus à quitter l’U.E., les Anglais…

Le 19 mai 1978, sur ordre du président Giscard, deux lieutenants du 2e REP sautaient sur Kolwezi avec leurs légionnaires pour y empêcher un massacre. Le 12 janvier 2013, 35 ans plus tard, ces deux soldats se retrouvaient encore en première ligne au service de la France : le général Dary, qui venait de quitter l’institution, coordonnait une gigantesque manifestation contre le mariage homosexuel voulu par le Président. Le général Puga, plus proche conseiller militaire du même Président, suivait heure par heure, de l’Élysée, deux opérations en Afrique déclenchées l’avant-veille de la manifestation. Quant à Giscard, bien vieilli, il dénonçait une intervention néocolonialiste.

Sans spéculer sur ces coïncidences, ce qui serait indécent alors que nos soldats sont engagés au feu, nous nous limiterons à deux observations préalables.

Premièrement : l’opération de libération d’otage en Somalie avait été préparée par les services depuis trois ans. Son déclenchement dépendait du seul président de la République. L’affaire justifiait une attention soutenue au plus haut niveau de l’état et une forte concentration de moyens. Elle n’avait pas de lien avec celle du Mali. Il n’y avait donc aucune raison de les synchroniser ce vendredi soir. Bien au contraire. Pire, tous les risques n’y étaient pas maîtrisés : officiellement « la résistance fut supérieure aux attentes ». L’opération échoua, trois soldats d’élite y furent tués, l’otage et deux camarades venus le délivrer.

Deuxièmement : l’intervention au Mali n’a pas été politiquement anticipée. Le président Hollande déclarait encore en novembre qu’« en aucun cas la France n’interviendra elle-même au Mali » : un message reçu 5 sur 5 par les islamistes que rien n’arrêtait dans leur course vers Bamako. Mais l’engagement de nos forces, ce vendredi après-midi 12 janvier, semble plus avoir été forcé par les événements que délibérément voulu. Faute d’hélicoptères blindés, on a engagé des appareils légers sans réelle « préparation d’artillerie ». Un pilote a été tué, deux hélicoptères ont été perdus. Les Rafale ne sont partis vers l’Afrique que le dimanche suivant. Le flux logistique n’a commencé qu’après ces premières frappes, alors qu’une offensive d’une telle ampleur justifiait qu’on pré-positionne un minimum de forces.

La pertinence de notre engagement ne fait cependant aucun doute. Les conditions politiques et militaires de sa réussite sont remplies, contrairement au conflit afghan de 2008 où un président nous avait engagés contre l’avis d’experts que les faits ont confortés. Tétanisé par le spectre du néocolonialisme mais bousculé par les faits, son successeur a dû suivre l’avis de ses experts et s’engager au Mali. Maladroitement installées dans les émirats, à un jet de pierre de l’Iran, les forces françaises devraient revenir vers Dakar, Abidjan, Libreville, Djibouti et… Bamako, ces banlieues stratégiques de Paris !

Des objectifs tenables

Sur le plan militaire, les objectifs sont tenables. On doit probablement au général Puga, « l’Africain », d’en avoir convaincu François Hollande. La France intervient dans un pays où elle a construit des écoles, où l’on parle français. La population l’attendait. Nos soldats, qui ont croisé le regard glacé des enfants afghans et les rires joyeux des jeunes Africains, le savent. Les islamistes, que nous avions soutenus en Libye, n’y sont pas chez eux. Nos forces ont devant elles des guerriers mobiles, certes, mais notre suprématie aérienne permet de les traquer partout sur les immensités désertiques après les avoir paralysés en détruisant leurs réserves de carburant. Le climat sec de l’hiver favorise une surveillance efficace du théâtre, jour et nuit. Seul obstacle, les tempêtes de sable d’hiver qui aveuglent jusqu’à 3 000 mètres d’altitude – Puga en sait quelque chose ! Mais les nouveaux radars embarqués par nos drones et par les biréacteurs « Sentinel », que les Britanniques nous ont proposés, permettent maintenant de percer ce voile et de détecter tout mouvement au sol, immédiatement signalé par réseaux à nos blindés AMX 10 RC et VBCI, ainsi qu’aux Rafale, Mirage et hélicoptères. Notre seul point faible, le transport aérien, était déjà connu et anticipé. Les retards endémiques de l’Airbus militaire européen avaient en effet, depuis longtemps, conduit l’état-major à formaliser des accords internationaux renforcés ici par la bonne volonté d’alliés trop contents de nous voir traiter l’affaire. Les cargos américains, canadiens, britanniques et ukrainiens sont donc venus au secours de nos vieux Transall. En complément, le nouveau bâtiment de projection Dixmude, véritable « couteau suisse » de l’état-major des armées, débarque sur un port d’Afrique de l’Ouest une force blindée qui permettra de consolider le dispositif dans la durée.

Les bienfaits de l’absence de l’UE

Sur le plan politique, les « euro-béats » de service déplorent l’absence de l’UE. Ne serait-ce pas plutôt un bienfait, d’autant plus que cette absence ne nous prive pas de soutiens logistiques extérieurs ? L’unicité du commandement, concentré à Paris, favorise de fait la cohérence stratégique et renforce la conduite tactique grâce à des boucles décisionnelles rapides et efficaces, toutes choses difficiles en gestion multinationale. La maîtrise de nos systèmes de renseignement dans l’espace, dans les airs et sur le terrain facilite les décisions ; enfin, au désespoir des journalistes, la communication de guerre est verrouillée et les islamistes, c’est nouveau, ne trouvent plus sur Internet la description de notre dispositif et de nos plans. Même les vidéos des bombardements sont sévèrement expurgées avant d’être diffusées parcimonieusement sur le net. Tout cela indique que l’affaire est conduite sérieusement et qu’elle est, pour l’instant, maîtrisée. Le consensus global des Africains, à l’exception de l’égypte, et l’unanimité du Conseil de sécurité sur notre intervention, devrait rassurer les plus frileux. Sur le plan géostratégique, elle correspond à nos intérêts : empêcher l’installation, au cœur de l’Afrique de l’Ouest, du cancer islamiste… Tombouctou est plus proche que Kaboul ! Probablement aussi, sécuriser certains approvisionnements stratégiques, mais c’est une autre histoire.

Nous avons, en Afrique, une responsabilité historique et c’est une fois encore les socialistes qui nous y ramènent. Mais « le procès en islamophobie qui rend l’islam intouchable paralyse la gauche française qui a avalisé le procédé pour flatter un électorat. Aussi est-ce une guerre contre son propre camp qu’Hollande doit mener », observe justement Ivan Rioufol dans Le Figaro. Ainsi Jean-Marc Ayraut ne parle que de « détruire les terroristes », comme naguère Poutine menaçait de les « butter jusque dans les chiottes » et comme jadis les ancêtres républicains nantais du Premier ministre voulaient « exterminer les brigands vendéens ». Mais la question du Mali est plus subtile. Il faudra bien, à un certain stade de l’offensive, discriminer islamistes et Touaregs pour créer les conditions politiques de la paix dans un Mali dont l’unité reste bien fragile.

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