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Bethsabée

Bethsabée était très belle, son mari Urie le Hittite était à la guerre, et elle prenait son bain en plein air dans son jardin…

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Bethsabée

Le savait-elle ? Quelqu’un l’observait de sa fenêtre, et ce quelqu’un était le roi David ; pour une fois, il n’était pas à la tête de ses troupes : il avait délégué le commandement à Joab, son général en chef, qui assiégeait Rabba, la ville des Ammonites. Ému et même enflammé par la grâce de la jeune femme, David prit ses renseignements, et sans plus barguigner « envoya des émissaires et la fit chercher ». On ne résista pas, et il arriva ce que vous savez ou devinez, ami lecteur… Ce passage du 2e livre de Samuel a inspiré beaucoup d’artistes qui ont interprété plus ou moins librement l’épisode ; certains miniaturistes médiévaux nous montrent au premier plan une gracieuse et très jeune femme livrée innocemment (?) à ses ablutions, surveillée de loin par David à sa fenêtre ; ce n’est plus le jouvenceau à la fronde terrassant Goliath ; on le voit barbu, grisonnant, couronne en tête. Dans le célèbre tableau de Rembrandt, Bethsabée revêt l’apparence d’une belle femme un peu mûre, pensive, qui vient de lire le billet royal ; dans celui de Jean Steen, son contemporain, c’est une vieille entremetteuse assez sordide qui se présente chez la jeune femme ; au siècle précédent, l’émissaire du roi selon Véronèse était un vieux courtisan somptueusement vêtu que nous voyons penché sur Bethsabée, qui cache à peine son sein droit…

Mais c’est ce qui se passe après qui est important : Bethsabée ayant fait savoir à David qu’elle était enceinte, celui-ci tenta de faire endosser cet enfant par son mari en le rappelant à Jérusalem ; mais malgré les instances hypocrites de David qui le recevait à sa table, le faisait boire, Urie refusa de retourner auprès de sa femme ; se doutait-il de quelque chose ? Le roi décida alors de le faire mourir : il ordonna à Joab d’exposer son lieutenant au plus fort de la mêlée, sans le secourir. Urie mourut donc au combat.

Un homme pauvre est volé de son unique brebis

Désormais « libre », David fit venir Bethsabée au palais et l’épousa. Voici donc David, l’oint de Samuel par la volonté de Yahvé, jeune vainqueur du géant Goliath, puis des Hittites, des Araméens et des Ammonites, l’unificateur des douze tribus d’Israël, qui se comporte en son âge mûr en souverain ordinaire de son époque comme de beaucoup d’autres : il fait usage de la force et de son pouvoir en obéissant à ses désirs et à son orgueil de souverain. La séduction d’une belle jeune femme, et l’obéissance de ses serviteurs lui ont fait oublier la loi de Dieu, supérieure à celle des hommes.

C’est l’homme de Dieu, le prophète Nathan qui va lui montrer sa criminelle injustice : il va lui conter un apologue : un homme pauvre est volé de son unique brebis par un homme riche qui veut épargner le sacrifice d’un animal de son troupeau pour festoyer avec un hôte de passage ; à David en colère qui proclame que l’homme riche mérite la mort, Nathan réplique : « cet homme, c’est toi ! » ; et David de répondre aussitôt : « j’ai péché contre Yahvé ». Nathan lui annonce alors que son repentir lui évite la mort, mais que l’enfant mourra, « parce que tu as outragé Yahvé », ajoute-t-il.

Pourquoi cet épisode a-t-il marqué les esprits au fil des siècles ? Peut-être parce qu’il montre qu’au-dessus des lois, des caprices et des folies des hommes, il existe la loi de Dieu ; et aussi que Dieu envoie ses messagers, jusqu’à son Fils lui-même, pour nous le rappeler. 

 

Illustration : David, v. 1540. Chartres, musée des Beaux-Arts.

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