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Le financement de la caste progressiste

Il est des enquêtes salutaires, qui font prendre conscience de la manière dont fonctionne notre système, révélant à la fois sa face cachée et ses profonds déséquilibres. Le vrai coût du progressisme, dans lequel les auteurs font un tour d’horizon de ceux qui, d’une manière ou d’une autre, financent la doxa dominante et aident à sa diffusion, en fait partie.

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Le financement de la caste progressiste

On connaît en la matière le poids des médias, celui du monde de « la culture » et bien évidemment celui du monde de l’éducation. Mais l’activisme progressiste se traduit aussi par une intense action de lobbying qui en vient à poser un vrai problème démocratique. Entendons-nous bien ici : que les associations par exemple, qui doivent pour cela pouvoir se constituer librement, soient parfois des contre-pouvoirs indispensables dans une démocratie moderne, chacun le sait depuis Benjamin Constant et Alexis de Tocqueville, et nous en sommes pleinement d’accord. Mais lorsque, vivant sur des fonds publics, quand ce n’est pas sur ceux d’États étrangers, elles ne se contentent pas de présenter leurs thèses, mais parviennent, par des réseaux et des moyens occultes, à les faire primer y compris contre le vœu de la majorité de la population concernée, on est en droit de penser qu’elles ne constituent plus cette fois un contre-pouvoir légitime mais ne sont qu’un élément parmi d’autres de la mise en place d’une dictature oligarchique.

Alors, bien sûr, on peut toujours faire des reproches à cet ouvrage, qui mélange les lobbies à la solde des États étrangers et ceux qui servent les intérêts des nombreuses minorités, les financements divers, les ONG et les commissions étatiques. De plus, submergés par l’ampleur de ce qu’ils découvrent, les auteurs sont forcés de se limiter à quelques éléments pour chacun des cas étudiés. Mais là n’est pas l’important – il y aura des suites, des rapports –, ce qui compte est qu’à les lire on reste saisi par l’ampleur de la manipulation – voire de l’escroquerie. Derrière la scène toujours prétendument éthique et ses « valeurs » nous apparaissent clairement les liens profondément malsains entre finances publiques et privées, entre mondes associatif et politique, entre collectivités locales et organisations non gouvernementales. Et l’un des intérêts de l’ouvrage est de s’interroger, au-delà des seules subventions, sur le coût des mises à disposition de personnels ou de bureaux, le tout n’apparaissant pas dans des comptes souvent très éloignés de cette transparence que ce petit monde vertueux réclame pourtant à ses adversaires.

« La neutralité juste et bienveillante du service public a laissé la place aux militantisme. »

Le bilan est accablant. C’est l’entrisme de militants dans les réseaux de l’État, y compris au plus haut niveau, et la création en son sein d’institutions ad hoc destinées… à déconstruire les politiques étatiques. Il est difficile de nier que « la neutralité juste et bienveillante du service public a laissé la place aux militantisme ». C’est le racket savamment organisé des entreprises : « Les idées progressistes sont explicitement intégrées dans les cahiers des charges pour bénéficier de subventions ou d’une commande de l’État » – sans oublier aussi les millions déversés sur les « formations » wokes. C’est la judiciarisation du débat public, avec des procédures systématiquement engagées contre ceux qui expriment des idées opposées. Ce sont les hommes – et les femmes ! – politiques devenus des agents de l’étranger –, un domaine dans lequel les États-Unis arrivent largement en tête, suivis par les États du Golfe.

Derrière la galaxie de mouvements et d’organisations, ce que montre enfin l’ouvrage, c’est la création d’une caste consanguine fonctionnant en miroir, loin des réalités : « En cas d’échec électoraux », en effet, les représentants du progressisme « se recyclent dans de grosses associations. Elles leur permettent de poursuivre leur action politique par d’autres moyens. En retour, leurs employeurs sont enchantés d’embaucher des personnes dotées de carnets d’adresse ministériels, promesses de subventions publiques. » À la différence du monde de la culture, ce ne sont pas ici quelques intermittents du spectacle, mais bien des permanents de l’activisme, dont les émoluments feraient rêver nombre de Français. Lire cet ouvrage, c’est comprendre l’état des écuries d’Augias et la nécessité d’y faire passer au plus vite l’Alphée et le Pénée.

 

Emmanuel Rechberg et Wandrille de Guerpel, Le vrai coût du progressisme. Associations, médias, ONG, institutions, enquête sur un gouffre financier. L’Artilleur, 2024, 304 p., 22 €.

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