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Dans la troupe

Comme le remarquait Péguy, « on est toujours loin du général ».

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Dans la troupe

Ernie Pyle, journaliste américain, est mort le 18 avril 1945 sur l’île d’Okinawa aux côtés des soldats dont il décrivait la vie depuis l’automne 42. Il décrivait les sacs de lettres acheminées à dos de mulets, en Italie, qu’on redescend sans les avoir distribuées parce que les destinataires sont morts. Il décrivait les marches de nuit en Tunisie, quand on trébuche sans rien voir. Et les francs-tireurs allemands embusqués dans les rochers qui tirent sans qu’on les voie. Il décrivait Lester Scarborough, qui est capable de transporter à une vitesse fantastique de lourdes charges d’eau, et le lieutenant Maxine Budeman, de Kalamazoo (Michigan), infirmière qui ravitaille Pyle en biftecks clandestins. C’est la guerre des hommes de troupe qui ne font rien de remarquable sinon risquer leur vie chaque jour. Pyle décrivait aussi les cadavres qu’on ramène attachés sur le dos des mules, « couchés à plat ventre sur les selles de bois », et le dernier adieu de ses hommes au capitaine Henry Waskow, mort à 25 ans. On a le sentiment d’être au milieu de la troupe parce que Pyle y est, et on a le sentiment de comprendre ce que vivent les fantassins parce que Pyle ne prétend pas être différent des hommes qu’il décrit : il manie juste le stylo au lieu du fusil. Et comme il avait marché avec les soldats, il n’avait pas le goût de la revanche ni l’orgueil du politicien. Le recueil de ses articles se termine en évoquant les morts, qui interdisent l’arrogance aux vivants. Mais ça, c’était avant.

 

Ernie Pyle, G.I. Joe. Les Belles Lettres, 2024, 568 p., 15,90 €.

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