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Les autos tamponnantes

Les Français ont bien de la chance : ils n’ont pas de mémoire. Doivent-ils ce bonheur à l’Éducation nationale pour qui la mémoire est l’apanage des imbéciles ?

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Les autos tamponnantes

Ce manque de mémoire développe en eux une magnifique puissance de stupéfaction. Tout les étonne, tout les sidère. S’il a neigé trois millimètres en plaine, ils s’exclament : « Catastrophe ! on n’a jamais vu ça ! » Trois semaines après, parce qu’un redoux a suivi la neige, ils gémissent : « Il n’y a plus d’hiver. » S’il fait chaud en été, ils glapissent : « Quelle chaleur ! C’est terrible, inouï ! Et que fait le Gouvernement ? » Cette même superbe stupéfaction s’exerce sur les phénomènes de société. Des étudiants bloquent leur université, ces blocages se répandent un peu partout : nos Français n’en reviennent pas : « Quelle époque ! On n’a jamais vu ça ! » Des journalistes lugubres glosent pendant des heures et des heures sur ce phénomène inédit. Ils ont oublié – ou l’ont-ils jamais su ? – que ce phénomène fait partie de la tradition festive estudiantine, qu’il a existé à propos de la loi Devaquet, en 68, et on peut remonter comme ça jusqu’à François Villon.

Mais, dit ma tante Euphrasie, qui écoute beaucoup les journalistes, festive ! Bernard, mon petit, tu cherches encore à me faire rigoler. Quand est-ce que tu seras un peu sérieux à ton âge ? Festive ! Festive ! Tu calomnies ces pauvres étudiants, ces petits jeunes, qui risquent leurs études pour obtenir satisfaction à leurs légitimes revendication­s (elle parle comme ça, ma tante Euphrasie, quand elle a bien écouté les journalistes).

Les étudiants ont toujours eu des revendications, même à l’époque de François Villon ; le sérieux, la gravité, la conviction à œillères font partie du jeu. Tu as déjà vu un type qui monte dans une auto tamponnante, il est sérieux comme un pape, il ne se déride pas ; quand quelqu’un le tamponne, il est indigné ; quand il tamponne quelqu’un, ça ne le fait pas rire. C’est sa façon de s’amuser.

On ne peut pas discuter sérieusement avec toi, dit tristement tante Euphrasie, et elle retourne à son canard.

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