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Citoyens de quelle cité ?

Le livre valait bien cette réédition dans la collection « Tempus » des éditions Perrin. C’est une somme. Il y a plusieurs livres dans ce livre qui, pourtant, n’en fait bien qu’un seul.

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Citoyens de quelle cité ?

L’auteur, notre ami Michel De Jaeghere, est en quête de la citoyenneté, d’abord au sens précis et antique du terme, moderne aussi mais dans le cadre de la nation traditionnelle, celle de nos pères. Bref, de la citoyenneté qui se perd, déjà perdue, bradée aujourd’hui à grande allure, dissoute dans la mondialisation et l’immigration de masse. Quête d’une norme, de principes clairs, de réalités politiques permanentes, d’une unité sociale à retrouver, à reconquérir, d’une sorte de paradis perdu. Paradis qui n’est plus d’ordre surnaturel, celui qui ne se reconquiert qu’au terme de l’histoire par la grâce de Jésus-Christ, mais bien d’ordre naturel, celui qui, malgré le péché, le désordre, le caprice de l’homme, subsiste comme un témoignage d’une règle imprescriptible, loi non écrite, qui est à l’origine des cités et qui, en même temps, les domine de leur majestueuse pérennité.

Cette quête nous vaut un retour historique et philosophique au modèle grec dont on sent que l’auteur est épris et sur lequel il s’est penché savamment. Malgré la passion sous-jacente, aucun enjolivement ne vient altérer la rigueur de l’appareil scientifique. La cité grecque, Athènes surtout, Lacédémone aussi, est examinée telle qu’elle fut dans son étonnante splendeur du Ve siècle, celui dit fort justement de Périclès, mélange de démocratie, d’aristocratie et de monarchie qui, pour n’être pas dynastique, est éminemment civique, proprement athénienne, sorte de despotisme éclairé qui joue avec les apparences et les idées pour satisfaire à son culte du vrai, du beau et du bien. Non sans excès, sans injustice, sans orgueilleuse prétention – Athènes démocratique est impérialiste ! – et le déséquilibre est déjà là. Cette démocratie qui se loue d’être elle-même a, en elle-même, les vices de la démocratie. Et le malheur guette et survient inéluctablement à vive allure.

La démocratie est devenue une idée

Impossible de résumer cette passionnante visite de la cité antique. Mais aussitôt l’auteur, dans un va-et-vient extrêmement instructif, prolonge sa réflexion sur nos démocraties modernes, tant sur le plan théorique que pratique. Il apparaît à l’évidence que la fiction du contrat social, essentiellement rousseauiste, qui est au fondement de nos principes constitutionnels, n’a plus rien à voir, malgré toutes les approximations, avec l’ordre de la cité grecque et les principes de la politique que les philosophes grecs ont émis et définis dans leurs réflexions. Aujourd’hui, le danger est idéologique. La démocratie est devenue une idée, pire qu’un mécanisme politique, une sorte d’absolu à qui tout doit se relativiser.

Notre auteur nous fait visiter de la même façon la Rome antique, celle de Tite-Live et de Tacite, maîtresse d’histoire, qui reste à jamais la Rome éternelle, celle de la civilisation. Les constats, sans être les mêmes, se rapprochent dans leur conclusion. La Romanité fut, au-delà des guerres, de l’incessant agrandissement jusqu’à l’empire des Césars et des Antonins, fondamentalement un ordre juridique où la citoyenneté était constitutive d’une appartenance, même nuancée à des degrés divers.

D’où la désolation devant le dernier et effroyable constat de la déliquescence actuelle. En France, oui, en France, où le Français ne se définit plus, n’existe plus par rapport à la France historique, mais en fonction d’une république, dite universaliste, qui n’a plus aucune notion de la citoyenneté ni de la souveraineté. Le tableau précis, chiffré, est accablant. Comment espérer ? Et en quoi et en qui espérer ?

Ce livre, énorme dans sa densité, ne saurait se résumer. Et cependant, il se lie avec le plus vif intérêt et la même passion qui ont incité l’auteur à le réaliser. « Angor patriae », écrit-il. Hélas, oui ! L’immense érudition mise au service de cette intelligente démonstration aux conclusions si pertinentes, aura eu, au moins, ce mérite de faire comprendre que l’histoire de la civilisation possède en elle-même des ressources suffisantes pour faire revivre au clair soleil de la vérité ce qui, dans le passé, a fleuri et fructifié : Omnia renascentur, quae jam cecidere.

 

Michel De Jaeghere, Le cabinet des Antiques, Les origines de la démocratie contemporaine, Collection tempus ; éditions Perrin, 630 p. , 12,50 €.

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