Civilisation
S’affirmer dans un monde pluriel
C’est un très stimulant essai de géopolitique que vient de publier Max-Erwann Gastineau.
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C’est un très stimulant essai de géopolitique que vient de publier Max-Erwann Gastineau.
Pour l’auteur, l’Occident n’est plus dans le monde actuel l’indépassable modèle à imiter qu’il a pu être – ou croire être –, notamment parce qu’il ne sait plus très bien qui il est, le fait national, qui avait fait sa force, s’étant dissous dans les mythes supranationaux de la globalisation économique, de la pax americana ou de l’européisme. Gastineau nous invite à visiter Trinité et Tobago, archipel « caribéen » où le mythe fondateur de la nation est… de n’avoir pas de racines. Quel meilleur exemple d’une appartenance purement juridique, celle dont rêvent bien des intellectuels occidentaux (le « patriotisme constitutionnel » habermassien), bâtissant ainsi un monde dans lequel les juges ont tout pouvoir pour détricoter tout ce qui fait l’essence des nations – avec au premier rang leurs identités et souverainetés –, un monde dont l’extension serait possible à l’humanité tout entière. Mais voici que, comme l’écrit justement Gastineau, « les peuples européens veulent rester des nations, pas devenir des nationalités », et notre auteur nous invite à nous pencher sur les leçons que nous donnent ceux qui combattent cet occidentalisme moderne. Il nous donne à comprendre la réalité de la chose, de la déclaration de Cocoyoc en 1974 à l’organisation de Shanghai dans les années 2000, et ce refus clairement manifesté de voir des modes de vie et d’appréhension du monde passer sous les fourches caudines d’une doxa occidentale maintenant empêtrée de wokisme.
Loin des délires actuels de notre politique étrangère, Gastineau nous invite donc à retrouver le sens de cet intérêt national vital que nos concurrents, y compris nos « meilleurs amis », États-Unis ou Allemagne, savent défendre contre nous. Cela veut dire savoir protéger notre identité nationale tout en respectant celles des autres peuples, y compris leurs conceptions d’une « société juste ». Et l’auteur de conclure par un chapitre où il pose la question de savoir pourquoi les Chinois supportent les atteintes à leurs libertés individuelles. Pour lui, en dehors de la crainte du contrôle, c’est aussi parce que le pouvoir chinois, en contrepartie, garantit sécurité physique et protection des biens. Il n’est pas inintéressant de retrouver ici les termes du contrat social hobbesien quand, de nos jours, la faible garantie de la sécurité des personnes et des biens par l’État libéral pose justement en Occident la question de sa pérennité – et aboutit à des demandes de pouvoir autoritaire. Ne serait-ce que pour ces invites à remettre en question nos certitudes, il faut lire Gastineau !