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Charlie hebdo et la fin de l’histoire

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Charlie hebdo et la fin de l’histoire

La bêtise sanguinaire des assassinats perpétrés contre l’équipe de Charlie hebdo à quelque chose de profondément révulsif. Néanmoins, il n’est point le temps de céder à l’effusivité contemporaine, à l’unanimisme affectif, façon resto du cœur et Téléthon, ce qui permet aux politiciens de proclamer qu’ainsi ils ne font pas de politique.

La République comme viatique !

Pas de politique ? Allons donc ! Écoutons Manuel Valls sur RTL, jeudi 8 au matin, dénoncer les « messages de haine ». « Messages de haine » adressés à qui, contre qui ? Il ne précise pas, mais ajoute aussitôt : « d’ailleurs on les entend même sur votre antenne ! ». Suivez mon regard… Dans l’esprit du Premier ministre, il s’agit évidemment d’Eric Zemmour. Un prurit de censure le prend malgré lui, alors qu’il est convié sur l’antenne pour défendre la liberté de la presse. Mais à part ça, il ne fait pas de politique ! Il fait donc de la religion : Valls, comme les autres, se fait grand prêtre de la religion républicaine dont il répète à satiété l’excellence, voulant se persuader que l’Islam est soluble dans ladite République.

Morts au front

Mais là n’est pas le plus important. Les journalistes et dessinateurs, dont certains n’étaient pas sans talents graphiques, assassinés par des fous sanguinaires, ont cru comme toute leur génération soixanthuitarde que l’anarchisme jouisseur, la provocation, la caricature iconoclaste étaient sans limites et, surtout, constituaient une forme de credo pour une nouvelle société heureuse, libérée de toutes entraves religieuses, sociales et historiques. Las ! C’est cette bulle soixanthuitarde dans laquelle ils vivaient qui a explosé. Elle a rencontré l’histoire et l’histoire est tragique, dure aux hommes, briseuse de destinées. Ainsi, pour l’heure, la déploration collective masque la réalité de la fin d’un cycle, commencé avec les années soixante et fait de prospérité et de libération des mœurs. Il s’achève dans le chômage, l’absence de croissance, le terrorisme et un immense défi migratoire.

Le paradoxe des victimes de cet attentat, c’est qu’ils ont commencé leur longue carrière en brisant les tabous, y compris ceux attachés au domaine de la guerre et que, pacifistes convaincus, ils sont morts au front en soldats malgré eux ! Adeptes et agents sans doute inconscients de la fin de l’histoire, leur mort signifie son retour brutal. Convoqués aux côtés des victimes, ceux que Charlie hebdo a moqués, caricaturés et parfois salis (les catholiques, les militaires, les familles et tant d’autres), se montrent solidaires parce qu’ils savent ce qu’est la liberté : les Charlie n’ont ni le monopole du cœur ni celui de l’intelligence critique.

La rhétorique de l’amalgame

Usons justement d’intelligence critique à l’heure où elle semble faire défaut. La rhétorique dominante est : « pas d’amalgame ». Au-delà des références au Coran, les communiqués des pays d’islam, y compris en provenance de la Turquie qui a pourtant encore une constitution laïcisante, ne laissent pas d’inquiéter dans leur soutien implicite. Le refrain est connu et cette volonté d’exonérer l’islam de toute responsabilité est encore dans une logique de fin de l’histoire. L’Occident, et la France plus que d’autres encore, veut se persuader que l’islam doit connaître immanquablement la même logique de fin de l’histoire que celles que nous avons connue. Une forme subreptice de d’européano-centrisme (voire de colonialisme) qui le verrait se laïciser, se séculariser et qui le verrait admettre la critique la plus radicale ! On peut en douter tant il n’y a aucune raison de penser que la séquence historique de l’occidentalisation du monde soit extensible et universelle. On peut le regretter et le déplorer mais une chose est sûre : la liberté d’expression et d’opinion doit demeurer un combat légitime et noble. A la condition qu’elle s’applique à tout le monde, y compris à ceux qui, en France, usent de leur esprit critique en refusant de se conformer aux canons de la pensée unique.

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