L’UMP va changer de nom. Le FN aussi, dit-on. L’un et l’autre entendent « rassembler ». Et les deux se veulent « républicains ». Le même nom s’impose : Rassemblement républicain. Mais qui, de Nicolas ou de Marine, dégainera le premier ? Points communs : ils rassembleront peu et leur République est à l’agonie. La preuve par Marine…
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Il y a, à l’évidence, quelque chose de profondément rafraîchissant dans ce sens national qui fait le fonds de commerce du FN, dès lors qu’on le compare aux couplets européistes ou mondialistes psalmodiés dans les « partis de gouvernement ». La plupart des slogans frontistes ne peuvent que trouver un écho favorable chez tous ceux qui, comme nous, estiment que, pour la France, il n’y a pas d’autre politique possible que d’accorder une priorité absolue à la défense de la France et des Français.
Il est tout aussi évident que nous n’éprouvons nulle peine même légère à assister à l’effondrement pitoyable de ceux qui, à droite comme à gauche, n’ont cessé de travailler – non sans succès, hélas – à l’abaissement continuel et obstiné du pays.
Cependant, l’art du Front national – est-ce vraiment un art ? – aura toujours été de susciter les réactions les plus contradictoires chez ceux-là même qui n’admettaient pas l’ostracisme dont il fut abusivement l’objet. Cette « diabolisation », aujourd’hui en voie de disparition, était arbitraire dans ce qu’elle avait d’exclusif, alors que d’autres formations avaient de plus justes titres à se voir ainsi reléguées, à commencer par le parti communiste, indélébilement marqué par le goulag.
Le FN, théâtre de l’ambigu
Toutefois, il a toujours été difficile de se sentir en phase avec un mouvement qui se complaisait dans une forme de « populisme » non exempte de démagogie. Passons sur les nasardes sarcastiques et les calembours de « Jean-Marie » qui pouvaient amuser un temps, mais dont la signification politique demeurait limitée, et qui sont même devenus déplaisants dès lors qu’ils jouaient sur des registres à dessein ambigus. En faire pour autant un « nazi » était aussi stupide qu’immonde, mais on ne peut que déplorer ce qu’il y a de court, de convenu ou de déplacé dans ces bouffonneries.
C’est ce que sa fille Marine a rapidement compris. Mais, l’ayant compris, elle ne s’est pas pour autant fait faute de verser dans de nouvelles ambiguïtés. On a vu comment elle est parvenue à écarter ceux qui, au Front national, entendaient s’appuyer ouvertement sur les racines chrétiennes de la France. La reconnaissance de la laïcité comme « valeur de la République », qui en était le corollaire, n’a rien à envier aux plaidoyers laïcards des « partis de gouvernement ». Pour s’opposer à la vague islamique, le FN reste fidèle au laïcisme à l’ancienne, au moment où l’urgence de sa réévaluation est devenue criante.
Aujourd’hui, si Marine Le Pen cultive l’ambiguïté, l’élargissement impressionnant de son électorat dissimule d’autres ambiguïtés plus lourdes encore. Même si les analyses détaillées les plus récentes n’ont pu encore être rendues publiques, il est acquis que des franges entières de son électorat obéissent à des motivations purement protestataires : dans l’hypothèse d’une victoire à l’élection présidentielle, il ne lui faudrait pas un an pour que ces couches populaires, qui auront largement contribué à son succès et permis son élection, se retournent contre elle. Un « an » pour revenir… de Marine à Marianne !
Car, en même temps, la vieille classe politique, gauche et droite confondues, ne songera qu’à la revanche : théoriquement écartée du pouvoir, il lui sera aisé de se refaire une aimable virginité. Les vieux syndicats mobiliseront leurs réseaux. Le Medef rejoindra la sainte alliance républicaine et démocratique, soutenue par quelques évêques et par toutes les sociétés de vertu gauchistes et laïques. Faire passer un nouveau pacs offrant aux couples homosexuels presque tous les avantages d’un mariage ne suffira pas à la sauver. Des grèves sans fin, des blocages de l’administration (fiscale notamment), des émeutes dans les prisons, des milliers de Roms chauffés à blanc par des agents provocateurs, des CRS refusant de les expulser, des banlieues en ébullition…, la « présidente » aura droit à tout !
Qu’ils concernent le traitement de l’immigration ou qu’ils visent à renégocier les accords européens et à sortir de l’euro, ses grands projets, pour l’essentiel, répondent à d’excellentes intentions. Mais ils ne sauraient avoir de résultats pratiques immédiats, les bénéfices que la France pourrait en attendre n’étant pas susceptibles d’intervenir avant plusieurs années. Plus de temps qu’il n’en faut pour que l’opinion, par nature versatile, se retourne. Avec, entre autres risques, celui de voir un PS ragaillardi, sans Hollande sans doute, mais peut-être (en pareille situation, on peut tout imaginer) avec le retour d’un DSK triomphant, hissé sur le pavois par le Medef !
Le poids fatal de la logique partisane
Ce scénario-catastrophe, on l’aura compris, n’est développé ici que dans l’espoir qu’il n’ait aucune chance de jamais se produire. Mais comment ne pas voir que ce régime, par son fonctionnement même, n’a établi aucune digue de protection nous garantissant contre le pire des pires ? Ce pire, que nous avons connu en juin 1940, quand le dernier recours du gouvernement fut une prière collective à Notre-Dame… Aujourd’hui, où irait-il ? à la Grande Mosquée ?
Le piège dans lequel Marine Le Pen paraît tombée est celui de la logique partisane. Manifestement, il lui manque d’avoir compris que les partis politiques, dans un régime comme le nôtre, sont mortifères. A la lettre, ils portent la mort. Loin d’être ces instruments bénéfiques pour la démocratie que décrivent les manuels de Sciences po, les partis sont en réalité de terribles chausse-trappes. Il n’est que de voir la manière dont sont systématiquement marginalisés tous ceux qui, à l’intérieur des appareils, tentent de tenir un langage non partisan. à gauche, Jean-Pierre Chevènement, qui a tenté d’imposer une ligne jacobine à tendance patriotique, s’est peu à peu laissé dissoudre dans le formol. À droite, Nicolas Dupont-Aignan, qui tient un discours d’intelligence et de bon sens, est condamné à jouer les utilités. Comme ce sera inéluctablement le cas, hélas, de ceux qui, au sein de ce parti, tiennent le langage du « sens commun ».
Aussi y a-t-il lieu de penser qu’au FN, s’il devient à son tour « parti de gouvernement », les considérations électorales finiront par prendre le pas sur les convictions, car telle est la logique du système. La constitution de la Ve République a elle-même connu ce glissement fatal. Peu à peu, la logique partisane a prévalu : le président, élu d’un parti, gère le quotidien, le premier ministre n’est que son premier collaborateur. Toute vision à long terme est abandonnée.
La « présidente » élue Marine Le Pen aurait-elle les moyens d’échapper à cette règle ? En aura-t-elle seulement le désir ?
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