Qui était Octave Van Rysselberghe ? La biographe et réalisatrice de documentaire Françoise Levie a mené l’enquête sur un architecte des plus mystérieux de la période Art nouveau.
Depuis de nombreuses années, elle a effectué des recherches sur un homme secret, qui estimait que son œuvre suffisait et que les commentaires sur sa vie et ses réalisations, pourtant nombreuses, étaient superflus. Les journaux, mémoires, correspondances de ses proches et contemporains ont été scrutés, pour tirer la moindre information susceptible de mettre en lumière la vie d’Octave Van Rysselberghe. C’est un véritable travail de titan que mettent en avant, aujourd’hui, les Impressions Nouvelles.
À travers ses réalisations, Octave Van Rysselberghe est étroitement lié à l’émergence de l’industrie de la betterave sucrière, comme en témoigne la Villa Romaine à Gembloux. Il a contribué à la modernisation des observatoires, notamment l’Observatoire royal d’Uccle, et à la promotion de l’éducation libertaire, comme en témoigne l’Hôtel de Brouckère. De plus, son influence s’est étendue au mouvement pointilliste dans l’histoire de l’art, en particulier à travers son travail à l’Atelier de Paul Signac. Il a également joué un rôle clé dans le développement des premières chaînes d’hôtels de luxe, incarnées par la Compagnie internationale des Wagons-Lits. De surcroît, Octave a laissé sa marque indélébile sur l’ère prospère des charbonnages en Wallonie et sur l’industrie sidérurgique au Grand-Duché de Luxembourg.
Chacun de ces projets renferme une histoire fascinante où se croisent des personnalités influentes de l’époque, telles que l’astronome François Folie, le franc-maçon Eugène Goblet d’Alviella, le tribun socialiste Émile Vandervelde, l’utopiste Paul Otlet, le designer Henry Van de Velde, l’architecte Victor Horta, la féministe Florence de Brouckère, l’écrivain André Gide, le poète Emile Verhaeren, le géographe Elisée Reclus, l’industriel Georges Nagelmackers, les peintres Paul Signac et Henri-Edmond Cross, le mécène Raoul Warocqué, et surtout son frère, le peintre Théo Van Rysselberghe.
Théo, le peintre, et Octave, l’architecte, étaient indissociables, des frères complices dont les talents se sont entrelacés. Les portraits de l’un répondaient aux plans de l’autre. Se pose alors la question de qui influençait qui : est-ce Théo, tout en créant son tableau des Trois enfants en bleu, qui recommandait un architecte à leur père, ou était-ce l’architecte qui, tout en soumettant ses plans, faisait référence à son frère portraitiste ?
C’est un formidable ouvrage, à la fois biographie et inventaire architectural, que nous propose Françoise Levie. Un livre richement illustré, sur un architecte méconnu, qui gagne à retrouver, aujourd’hui, une reconnaissance méritée. Cette enquête au long cours se lit comme un formidable roman, où les personnages, nombreux, croisent le « héros » et témoignent de sa vie, de son œuvre.
Françoise Levie, L’Architecte fantôme. Les Impressions Nouvelles, 2023, 128 p., 29,50€.