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Une troisième voie au socialisme (marxiste et non-marxiste) : le sorélisme

Inclassable, ni de droite, ni de gauche – clivage obsolète, conclut, un peu hâtivement, le préfacier helvétique David L’Epée –

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Une troisième voie au socialisme (marxiste et non-marxiste) : le sorélisme

Socialiste ma non troppo (puisque surtout fervent adepte de l’action syndicale, c’est-à-dire directe ; ici, bien que la thèse soit osée mais potentiellement stimulante, le syndicalisme irait sans doute au corporatisme comme un gant bien fait à une belle main…), marxiste mais aux antipodes du gauchisme, proudhonien sans être anarchiste et vitaliste bergsonien sans être mystique ni naturaliste, pénétré de la force féconde des imaginaires – la puissance des mythes mobilisateurs seuls à même d’enflammer et de sublimer la destruction créatrice de la classe ouvrière –, mais rétif aux utopies, esprit scientifique mais guère positiviste, homme de raison mais peu porté sur le rationalisme, chantre de l’émancipation – du prolétariat – mais opposé au progressisme, antidémocrate mais répugnant au fascisme, catholique sans être dévot, révolutionnaire et conservateur… Georges Sorel reste décidément insaisissable et bien rares sont ceux qui l’ont réellement compris.

À vrai dire, l’erreur guette quiconque tente de faire rentrer Sorel et sa doctrine protéiforme dans une taxinomie aussi artificielle que convenue – et peut-être devrait-on dire les doctrines de Sorel, tant les réflexions de ce dernier ont évolué au fil de son existence ; pensez, il commencera sa carrière intellectuelle en arborant des opinions légitimistes et en invitant le comte de Chambord à s’emparer du pouvoir par la force ! Ce qui explique qu’il soit tout à la fois rejeté virulemment par une certaine pensée de gauche, méprisé et occulté par une autre, récupéré par un certain extrémisme de droite et largement méconnu par un immense marigot dextéro-centriste. Dans un essai lumineux et objectivement brillant consacré au penseur cherbourgeois, Rodolphe Cart s’interroge sans faux-fuyant : « y a-t-il une équivoque dans la pensée sorélienne qui puisse expliquer cette situation ? » Notre jeune essayiste tranche le nœud gordien de cette fausse ambivalence, prétexte à toutes les détestations univoques, à tous les malentendus partisans comme à tous les errements interprétatifs : « c’est un penseur de la troisième voie politique ». Le sorélisme est né, synthèse exigeante et cohérente dont les contradictions transcendent – selon un mouvement dialectique post-hégélien – d’autant plus aisément les clivages idéologiques qu’elle s’inscrit prioritairement dans le sillage des pensées de l’ordre concret – dont le climax constituerait l’affrontement mortel entre bourgeois et prolétaires ; l’avènement d’une société communiste après liquidation du capitalisme n’est, pour Sorel, qu’un éther théorique. Qu’un juriste, également inclassable, tel que Carl Schmitt, ait forgé son décisionnisme politique entre le marteau et l’enclume des Réflexions sur la violence, devrait alerter les lecteurs pressés et les exégètes péremptoires.

 

Rodolphe Cart, Georges Sorel, le révolutionnaire conservateur. La Nouvelle Librairie, 2023, 216 p., 16,50 €.

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