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Entretien exclusif – Marine Le Pen : « je défends un Etat stratège »

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Succès électoraux, rôle de l’état, sortie de l’euro, loi Taubira… Marine Le Pen répond aux questions de Politique magazine. Pour la présidente du Front national, il est urgent de sortir d’un « système UMPS » qui condamne la France à un déclin irréversible.

Presque 18 % des voix à la présidentielle de 2012, des élus à l’Assemblée nationale et au Sénat, de plus en plus d’élus aux élections locales, premier parti de France aux dernières européennes, rien ne semble arrêter le Front national. Comment expliquez-vous ces succès ?

Voilà 30 ans que le système UMPS s’obstine, par aveuglement idéologique, à défendre la même politique, économiquement et socialement désastreuse. Les Français ont pu mesurer à leurs dépens l’inefficacité, et même la nocivité, des politiques qu’on leur impose. De même ont-ils compris que les différents traités européens qui ont été adoptés dans leur dos les ont dépossédés de leur avenir. Or, ils sont aujourd’hui décidés à reprendre leur destin en main. Et le seul mouvement qui leur offre cette alternative, c’est le Front national. Contrairement à ce que rabâchent ad nauseam nos adversaires, le vote Front national n’est ni un défouloir ni un vote de désespoir. C’est, bel et bien, un vote d’espoir !

Le Front national est fort dans le sud-est et dans le nord. Or, des radiographies électorales montrent des électorats aux aspirations différentes desquels émergent deux tropismes, l’un plutôt libéral, l’autre plutôt protectionniste. Ces différentes aspirations d’apparence contradictoire, composent une nouvelle donne. Comment les prenez-vous en compte ?

Je ne partage pas cette grille de lecture qui donne une vision simpliste et par trop réductrice de la carte électorale. Le déclassement social et la précarisation, qui sont les deux conséquences de la politique d’austérité, touchent aujourd’hui toutes les catégories sociales de la population française. La politique économique conduite par le gouvernement se traduit concrètement par un chômage de masse, une baisse continue du pouvoir d’achat, un rabot permanent sur les prestations et aides sociales et une hausse vertigineuse de la fiscalité et des prélèvements en tout genre. Or, cette politique du moins‐disant social est étroitement liée au modèle ultralibéral imposé par Bruxelles avec le soutien servile du système UMPS. Les électeurs l’ont parfaitement compris. C’est si vrai que le Front national, qui avait fait du combat contre l’Europe des marchés et pour la défense du protectionnisme son axe de campagne aux dernières européennes, est arrivé en tête aussi bien dans le sud‐est que dans le nord.

Il est question de changer le nom du Front national. Pourquoi et comment ?

Cette question n’est pour l’instant ni programmée, ni tranchée. J’ai toujours dit qu’il n’y a pas de sujet tabou au Front national. Nous ne nous interdisons pas d’en débattre de manière parfaitement sereine. Un parti politique n’est pas une fin en soi. C’est un outil qui doit être le plus performant possible pour arriver au pouvoir. Si un éventuel changement de nom permettait d’accélérer l’alternative, pourquoi devrions‐nous nous interdire d’y réfléchir ? Quoi qu’il en soit, si cette question devait être posée un jour, il appartiendrait à nos adhérents d’y répondre.

Et la loi Taubira ?

à la différence de nos adversaires, nous avons toujours été parfaitement clairs sur le sujet. Le Front national est résolument opposé à l’extension du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. En revanche, rien n’empêche d’envisager une amélioration du Pacs, notamment sur les questions de succession et de patrimoine, qui permettrait aux couples homosexuels d’organiser et de sécuriser leur vie commune. Si le Front national accède aux responsabilités, nous reviendrons sur la loi Taubira et nous la remplacerons par un pacs amélioré.

On a longtemps parlé de « reaganisme » à propos du programme économique du Front National dans les années 80/90. Les choses ont changé. Comment le qualifiez-vous aujourd’hui ?

Comparer, stricto sensu, le programme économique du Front national sur deux périodes socio‐économiques différentes n’a pas de sens ! Notre mouvement a toujours défendu l’économie de marché et la libre entreprise mais il s’est adapté au nouveau contexte économique. Dans les années 80, le monde offrait deux paradigmes : étatisme et libéralisme. Le mondialisme et l’ultralibéralisme, qui est sa doctrine économique, ont bouleversé la donne. Nous faisons face aujourd’hui à un système ultrafinanciarisé où les marchés dictent leurs lois. Ce système est virtuel. Il est entièrement déconnecté de l’économie réelle et se traduit par une recherche hystérique du profit au bénéfice exclusif d’une petite élite oligarchique. Le Front national propose d’en revenir à une politique de bon sens, ce qui, au fond, constitue traditionnellement une spécificité française : le juste équilibre entre la liberté économique et l’intervention d’un état stratège chargé de fixer les règles du jeu. Cela nous permettrait, notamment, de protéger nos PME‐PMI.

Vous souhaitez faire sortir notre pays de l’union monétaire. Vous connaissez l’objection : les imbrications financières dans la zone euro condamnent par avance tout retour à une monnaie nationale. Votre réponse ?

Je réfute catégoriquement ce postulat qui consiste à dire qu’une monnaie créée il y a à peine 15 ans est devenue un horizon indépassable et que notre pays, vieux de 2 000 ans, ne saurait trouver de salut en dehors de ce carcan. Si l’on veut bien sortir de cette hypnose collective, la vérité saute aux yeux. L’euro est un échec patent. C’est une monnaie en fin de vie, comme l’affirment d’ailleurs aujourd’hui plus de 10 prix Nobel d’économie. Dès lors, il n’y a pas trente-six scénarios : soit l’on s’entête, comme le font les eurocrates de l’UMPS, à vouloir coûte que coûte sauver une monnaie qui ravage notre économie et qui est la cause d’un chômage de masse, d’une perte de compétitivité dramatique et d’une paupérisation accrue de la population ; soit on sort de cette impasse en reprenant le contrôle de notre politique monétaire. C’est en maîtrisant notre monnaie et en mettant en œuvre un protectionnisme intelligent et un patriotisme économique éclairé que nous relancerons notre économie.

Les sondages récents placent le FN en tête au premier tour de la présidentielle de 2017. Les médias prétendent que vous n’auriez ni les hommes ni les appareils pour exercer le pouvoir. Marine Le Pen, élue présidente de la République, aurait-elle les moyens de gouverner ? N’y aurait-il pas le risque d’une crise institutionnelle ?

J’ai bien compris le petit jeu auquel se livre la caste politico‐médiatique. Il vise tout à la fois à masquer sa peur panique devant l’arrivée annoncée au pouvoir du Front national et son incapacité à débattre sur le fond, programme contre programme. Je vous rassure : le Front national n’est pas isolé. Il est entouré d’experts qui l’alimentent quotidiennement de chiffres et d’éléments factuels, sur lesquels sont fondées ses analyses, et de hauts fonctionnaires qui travaillent pour lui, mais dans l’ombre, tant il est encore difficile d’afficher sa sympathie pour la cause nationale sans prendre le risque d’être sanctionné. Par ailleurs, je suis intimement convaincue qu’une grande partie de la haute administration, qui possède un profond sens de l’état et qui est soucieuse du respect de la légalité républicaine, se mettra à la disposition d’un gouvernement Front national qui aura été choisi démocratiquement par le peuple français.

L’état paraît tout à la fois omnipotent et impotent. Pour vous, quel doit être son rôle ?

L’état ne peut rien s’il est dépouillé de ses fonctions régaliennes, de son autorité légitime et de sa capacité à réguler et à contrôler les échanges. Je défends un « état stratège », seul à même de s’opposer aux abus et aux dérives de la mondialisation et au dogme du libre‐échangisme. Il est vital que l’état ait les moyens de protéger un secteur économique qu’il estime essentiel à son indépendance ou qui répond à un besoin stratégique. L’UMPS a privé l’état français de ses moyens d’action en transférant inconséquemment à Bruxelles des pans entiers de sa souveraineté. Il faut donc enclencher le processus inverse et affirmer, dans tous les domaines, la suprématie du droit national et de la souveraineté populaire sur toute autre législation ou institution supranationale non élue.

D’une manière plus générale, pensez-vous que le système actuel soit viable ou faut-il opérer des changements radicaux ? En quelques mots, lesquels ?

Le système ne peut pas réformer le système. L’oligarchie qui nous gouverne a posé comme principe de ne jamais tenir compte de l’avis du peuple. On ne peut pas continuer sur cette voie qui s’apparente à un déni de démocratie. L’UMP, comme le PS, ont imposé à marche forcée une construction européenne qui prospère sur la destruction des nations en les privant de leur souveraineté. à la différence de mes adversaires, je crois en la France, une, forte, fière de son histoire et éprise de liberté. Et je reste convaincue que la Nation demeure la structure la plus efficace pour défendre l’identité, la sécurité et la prospérité du peuple français. Face au despotisme européiste, nous devons revenir à la source de la démocratie : le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple.

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