L’ambiance nocturne semble caractériser l’envol discographique d’Alice Ferrière.
Après une première parution intitulée Nuit exquise, rassemblant les Nuits d’été de Berlioz et l’op. 90 de Schumann, la mezzo-soprano nous offre un hommage à Clara Schumann avec Clara, notre étoile. Le titre se veut « un symbole pour ces êtres qui éclairent les autres de leur lumière et les guident sur leur route », explique la cantatrice qui s’est formée à l’Académie de musique et des arts du spectacle de Vienne.
Native de La Réunion, Alice Ferrière y fonde, en 2011, Trajectoires, une association de promotion de la musique classique. À l’heure où l’opéra subventionné éprouve des difficultés existentielles, sa compagnie Ô Lyric, mise sur pied en 2020, fait découvrir une adaptation d’Orphée et Eurydice de Gluck à un nouveau public dans des territoires éloignés de la culture : 600 enfants et 400 adultes de La Réunion ont participé aux ateliers et concerts.
Intelligemment agencé, jouant sur les correspondances, les miroirs et les filiations entre les trois compositeurs, son dernier disque s’ouvre avec deux extraits de Myrten op. 25 de Robert Schumann, que le compositeur dédia en 1840 « à sa chère fiancée » Clara Wieck.
Un album original au minutage généreux
Les Sechs Lieder op. 13, dédiés en 1844 par Clara Schumann à Caroline-Amélie, reine du Danemark, constituent le cœur de ce programme. Auteur de morceaux de piano, elle ne commença à composer des lieder qu’après ses fiançailles. Les textes introspectifs de Geibel, Rückert et Heine évoquent la mort et le passé d’une manière pessimiste et confèrent au disque sa tonalité sombre et nostalgique. Curieux hommage qui ne présente que six lieder de Clara sur les 25 plages du CD ! Mais le parti pris est annoncé et assumé.
La moitié restante consacrée à Johannes Brahms offre de beaux élans lyriques (Meine Liebe ist grün sur un poème de Felix Schumann, benjamin des huit enfants de Robert et Clara), des moments d’émotion intense (Immer leiser wird mein Schlummer) et des accents populaires (Ständchen). C’est là où l’interprète nous apparaît la plus convaincante et la plus investie. La prononciation est précise, la voix sonne souple et claire, bien que déjà affectée dans le haut medium d’un vibrato que l’on aimerait dû à une fatigue passagère.
Alice Ferrière et Nicolas Royez signent un album original au minutage généreux. Le choix de lieder aux atmosphères relativement voisines joint à une interprétation soignée mais uniforme distille, au final, une agréable et engourdissante monotonie nocturnale qui s’évanouit naturellement dans le murmure d’un Wiegendlied, berceuse idoine à nous abandonner aux bras de Morphée.
À écouter : Clara notre étoile, Lieder de Robert Schumann, Clara Schumann, Johannes Brahms, par Alice Ferrière, mezzo-soprano, Pierre-Henri Xuereb, alto et Nicolas Royez, piano. 1 CD Cascavelle
Prochain concert : Récital Alice Ferrière le 19 avril à 20h30, Hôtel Bedford, 17, rue de l’Arcade, 75008 Paris