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Alain de Benoist et le souci identitaire face à la postmodernité

Tout le monde parle de l’«identité », de nos jours, sans bien savoir comment elle se définit ni se déploie dans notre monde hypermoderne. Alain de Benoist publie aujourd’hui un livre capital pour nous éclairer et mieux comprendre cette notion : Nous et les autres. L’identité sans fantasmes.

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Alain de Benoist et le souci identitaire face à la postmodernité

« L’identité est proprement vitale : sans identité on n’est rien. Mais l’identité est toujours complexe, ce qui la fait apparaître comme floue. L’erreur consiste alors à croire que si elle est floue, c’est qu’elle n’est pas vraiment vitale, ou à l’inverse que, si elle est vitale, il est impossible qu’elle soit floue » explique Alain de Benoist dans l’introduction de son nouveau livre, Nous et les autres. Et de préciser : « Pourquoi l’identité est-elle floue ? D’abord, à l’échelle individuelle, parce qu’elle n’est jamais unidimensionnelle, mais possède toujours de multiples facettes. Nous avons une identité ethnique, une identité linguistique, une identité culturelle, une identité générationnelle, une identité sexuelle, une identité d’état civil, éventuellement une identité religieuse, politique ou philosophique. Toutes ces facettes ne s’harmonisent pas entre elles ».

Contre l’idéologie du même

Il faut distinguer, sans les séparer, les identités héritées et acquises ou choisies qui peuvent cohabiter en nous. En effet, les deux types d’identités composent la réalité anthropologique et sociologique des peuples. L’identité nous renvoie à ce que l’homme est et devient à partir de ses appartenances multiples précitées. D’où vient-il, qui est-il, où va-t-il ? sont les trois questions qui se posent à l’homme dans toute société. Elles se posent à l’homme, mais l’homme ne se les pose pas nécessairement. Or c’est en y répondant, donc en se questionnant, que l’on peut connaître sa propre identité et celles des autres. Car l’identité va de pair avec l’altérité que tente d’éliminer « l’idéologie du même » prévient Alain de Benoist. C’est contre cette « mêmeté » et son uniformité concomitante qu’il faut lutter, pied à pied, au nom de la vraie diversité ethnoculturelle qui s’oppose au cosmopolitisme diversitaire en vogue.

L’identité n’est pas l’identique

C’est en me connaissant Moi-même que je peux connaître l’Autre ; c’est en connaissant l’Autre que je peux me connaître Moi-même. « Soi-même comme un Autre », affirme Paul Ricœur ! Cela ne signifie pas un mélange ou une hybridation de Soi-même et de l’Autre sur le plan ethnoculturel, mais bien un rapport dialogique, jamais essentialiste, de mon identité et de celle de l’autre. Pour affronter ou dialoguer, il faut au moins deux identités distinctes, mais non séparées (comme le prêche le communautarisme, à ne pas confondre avec la défense légitime des communautés) ni unifiées (comme l’institue le jacobinisme et aussi le mondialisme, à ne pas amalgamer avec le louable souci de l’universalité). Ricœur parle de « l’identité idem » (mêmeté) et de « l’identité ipse » (altérité). L’identité où le Nous se rabat sur le Je et l’identité où le Je s’élargit aux dimensions du Nous, en échangeant sans s’échanger. C’est la dialectique nécessaire du particulier et de l’universel – inhérente aux sociétés traditionnelles – qui est menacée, de nos jours, par le règne de l’identique. Or, l’identité s’oppose fondamentalement à l’identique.

L’idéologie raciste des antiracistes

« L’identité d’un peuple (ethnos et demos), c’est tout simplement son histoire » écrit sur ce point Alain de Benoist. Et d’ajouter fort pertinemment : « S’il est exact que toute identité contient une part de construction sociale, ce n’est jamais une construction sociale à partir de rien. On ne (se construit) jamais qu’à partir d’un déjà là ». L’idéologie woke et décoloniale des indigénistes, qu’analyse parfaitement de Benoist à la fin du livre, peut prétendre le contraire, affirmer que les races n’existent pas et que tout est affaire exclusive de construction sociale pour l’homme, sans identité réelle, mais les indigénistes parlent toujours à partir de leur propre “race” (noire, métissée, etc.), qu’ils estiment toujours supérieure à la race blanche des indigènes occidentaux.

Des déconstructivistes aux wokistes

Les races n’existent pas, selon les indigénistes, mais les racistes blancs sévissent partout dans la société. Il faut donc, selon eux, déraciser les races à partir d’un antiracisme raciste qui ne dit pas son nom. Ce discours pathologique s’accomplit dans un système de déconstruction intellectuelle et de reconstruction artificielle des êtres et des choses… En somme, nous sommes passés du deleuzisme moderne des années 60 au wokisme post-moderne issu, comme toujours, des campus américains.

Surgissement des identités face à la Mégamachine ?

L’homogénéisation des modes de vies différenciés s’exerce par l’emprise d’un Marché mondialisé et des États-nations complices. C’est toujours le règne du Même qui prévaut. En réalité, « dans l’identité, il en va, comme toujours, de ce qui ne change pas et de ce qui se transforme, indissolublement liés, souligne Alain de Benoist. L’être devient : nous sommes toujours nous-mêmes et nous ne sommes jamais les mêmes. On peut toujours déconstruire les identités, cela ne les fera pas disparaître, car les invariants ne sont pas décomposables. Oui, l’identité est à la fois floue et vitale. C’est la raison pour laquelle, plutôt que de se battre au nom d’une appartenance ou d’une identité (dont le contenu ne fera jamais l’unanimité), il vaut mieux se battre au nom d’une conception du monde qui donne à l’identité et aux appartenances toute la place qui leur revient. Le conflit essentiel, au-delà du choc des civilisations, est celui qui met face à face des conceptions du monde ».

L’identité pour soi ou l’autre doit laisser place à la défense de l’identité en soi qui contient les deux premières.

Afin d’éviter le subjectivisme tribal ou universaliste abstrait (mais l’ethnocentrisme ne peut-il pas se dilater aux dimensions de l’universel, ce qui est le propre de l’universalisme moderne ?), il faut affirmer l’identité des miens qui n’est pas forcément une menace pour celle des autres, de même que l’identité des autres n’engendre pas fatalement une menace pour la mienne. L’identité pour soi ou l’autre doit laisser place à la défense de l’identité en soi qui contient les deux premières. L’identité de soi ne va pas nécessairement avec la négation de soi-même ou d’un autre. Il peut y avoir ou non affrontement. Mais il n’y a pas de fatalité convulsive entre les deux sujets civilisationnels. Autrement dit, il est nécessaire d’opposer l’appartenance comme principe (avoir un principe surplombant l’appartenance, défendre les peuples, tous les peuples, à commencer évidemment par le sien) à l’appartenance comme subjectivité (donner raison aux siens, défendre son peuple, en n’importe quelles circonstances). Face au système à tuer les peuples, ce rouleau compresseur technico-marchand à l’échelle de la planète, il faut défendre l’identité des peuples dont le surgissement peut advenir par réaction. Il est vrai pour le meilleur et pour le pire… En effet, certaines d’entre-elles peuvent être enracinées et dynamiques ou parodiques et mutantes dans notre modernité tardive. Mais, en tout état de cause, c’est bien le règne de l’indistinction (sexuelle, ethnique, culturelle, etc.) qu’il faut dynamiter au profit des différences individuelles et collectives.

Plurivers ou uniplurivers ?

Malgré toutes ces considérations d’une importance cruciale pour nous, il y a un point sur lequel nous sommes en désaccord avec Alain de Benoist (ce qui ne l’étonnera pas). En effet, il oppose, à juste raison, des racismes identitaires “de droite” (suprématiste blanc) et “de gauche” (suprématisme d’une autre race), tout en récusant tous les universalismes au nom d’un « pluriversalisme ». Pour lui, plutôt que d’un univers, il s’agit de défendre un plurivers. Face à l’uniformité, la diversité du monde ! Contre le règne de l’homogène comme du mélangisme, un universel qui part du particulier. Bien vu, sauf qu’il existe aussi un unipluralisme résidant dans l’universalisme chrétien. Un universalisme de l’Incarnation qui dialectise l’un et le multiple, c’est-à-dire l’unité transcendante du christianisme englobant la multiplicité identitaire concrète face à tous les universalismes abstraits (Droits de l’homme, Progrès, etc.) et racismes modernes. En tout cas, un essai capital pour savoir qui nous sommes !

 

 Alain de Benoist, Nous et les autres. L’identité sans fantasmes. Le Rocher, 2023, 240 p., 20 €.

 

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