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Vaincre ou mourir : retour sur un engouement

Les guerres de Vendée n’ont guère été traitées au cinéma, tout comme la Révolution française vue sous le prisme de ses opposants. Vaincre ou mourir constitue bien une première pour cette résistance armée à la Révolution, largement ignorée du grand public.

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Vaincre ou mourir : retour sur un engouement

Réalisé rapidement, avec un certain nombre d’acteurs non professionnels, Vaincre ou mourir a suscité des critiques dénigrantes dont on peut se demander si elles n’ont pas eu l’effet inverse de ce qui était recherché : attirer un public à la recherche de marqueurs identitaires. Ce qui semble avoir été le cas au vu du nombre d’entrées et de la possible diffusion de ce fim dans d’autres pays, comme les États-Unis. Même négative, une publicité reste une publicité, ce qu’une gauche qui éprouve le besoin de se créer un diable tend à oublier.

Un film identitaire à bas prix ?

On fait rarement débuter une critique de film par un élément qui lui est extérieur : son public. C’est pourtant l’aspect qui aide à mieux comprendre l’engouement dont Vaincre ou mourir a été l’objet. Car si un film est le résultat d’une production, il est aussi – et peut-être surtout – construit par ceux qui le regardent. La sociologie pourrait nous aider à comprendre que le succès d’une œuvre est lié à ses usages sociaux. Pour un public en quête de références, orphelin d’incarnations politiques, notamment depuis les échecs de Fillon, puis de Zemmour, Vaincre ou mourir donne un récit autour d’un personnage également méconnu, mais dont l’histoire se prête aisément à l’héroïsme. Une sorte de « case » idéale : une Révolution qui anéantit, confrontée à une population qui prend les armes au nom de sa foi et du roi, guidée par un meneur d’hommes, ce qui peut parler à une droite sur la défensive. Et ce sujet a été peu traité, même si depuis quelques décennies la Vendée et son insurrection sévèrement réprimées ont les honneurs des historiens dits « modernes ». Elle a cessé de n’être abordée que sous un angle partisan.

Parce que l’impératif de témoignage a guidé le film, c’est d’abord un projet de docufiction qui était initialement retenue par le réalisateur. Avant qu’il ne se ravise et décide de tourner un film, mais dans des délais brefs. Ce double aspect se ressent dans le jeu des acteurs et dans la mise en scène. On reconnaît les mêmes endroits et les mêmes lieux, pour pas dire les mêmes arbres et les mêmes bâtiments… Certains rôles ne sont pas tenus par des professionnels, d’où quelques difficultés dans les dialogues. On a même parfois l’impression d’assister à une reconstitution d’amateurs plus qu’à un film.

Un narratif cohérent

Cependant, malgré des moyens limités, Vaincre ou mourir fait bien ressortir le processus qui devait conduire à l’extermination d’une partie de la Vendée, même si cela reste bref. Il y a bien sûr cette radicalisation progressive qui conduit une population, qui avait même salué en 1789 la disparition de la féodalité et la suppression des privilèges, à se soulever : la conscription et la levée en masse, les mesures contre les prêtres réfractaires. Les témoignages de ces historiens au début du film rappellent qu’en 1789 la Vendée n’est pas différente du reste de la France. La population accueille avec faveur les changements. On ne naît pas plus révolutionnaire ou contre-révolutionnaire, mais on le devient sous le coup d’événements qui poussent à agir dans un sens ou dans un autre.

Les événements, justement, ce sont eux qui font de Charette le chef des insurgés. À l’origine, c’est un hobereau, qui a été officier de marine dans le passé. Si la Révolution n’avait pas eu lieu, il aurait terminé paisiblement ses jours dans son manoir. Au passage, lorsque les insurgés viennent le chercher, on sent cette méfiance qui pouvait exister entre nobles et paysans ; c’est même un des paradoxes de la Révolution de les avoir rapprochés. Autant elle a divisé les gens, autant la Révolution les a aussi unis : en ce sens, elle est bien une révolution. Dans un autre contexte, il aurait été difficile de voir d’anciens aristocrates se joindre à des personnes du tiers-état. Mais la brutalité des autorités – d’abord des maladresses, ensuite des erreurs tactiques, puis des exactions, enfin des crimes – va agréger contre elle une population qu’elle se résoudra à mater par le jeu des colonnes infernales.

Vaincre ou mourir n’est pas un film manichéen. Le jeu politique n’est pas omis : l’incapacité à éteindre l’insurrection pousse la République à négocier avec la Vendée. Les insurgés ont beau être combattifs, ils sont fatigués et peuvent même être hantés par le doute. La récurrence de scènes introspectives (celles où Charrette est seul en pleine obscurité) fait que l’on n’est pas dans un péplum, le protagoniste est aussi narrateur. Vaincre ou mourir reste soumis aux canons du cinéma français, ce qui s’en ressent dans certaines lourdeurs psychologisantes. Une paix sera donc obtenue, mais précaire, les Vendéens ne pouvant oublier les massacres dont ils furent l’objet. L’après 1793-1794 est bien traité. Enfin, les déchirements et les remords du héros sont montrés : Charette doit se battre et la férocité des combats le conduit à ne pas faire de quartier. Tout chrétien qu’il est, il reste pris par les contraintes d’une guerre.

Bref, il devenait difficile de présenter autant d’éléments en si peu temps, mais au moins la Vendée militaire fait l’objet d’un déroulé cohérent qui permet au public de comprendre ce qui s’est passé entre 1793 et 1796.

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