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Pour comprendre la RC4

Les Carnets du capitaine Coignet ou les Mémoires de Napoléon ? Comment dire la guerre ? Au niveau du combattant, le nez dans la boue, ou dans une relecture stratégique d’ensemble parfois fantasmée ?

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Pour comprendre la RC4

Yvan Cadeau, officier supérieur au Service historique de la Défense répond à ces questions avec Cao Bang 1950. Cao Bang ? La première défaite française de la guerre d’Indochine, la première subie face à l’armée du Viêt Minh, restée mythique pour l’anéantissement du 1er BEP, et qui a laissé dans l’argot militaire l’expression « se faire coxer » – comprendre se faire avoir –, qui vient de ce cirque de Coc Xa où sombrèrent les colonnes Lepage et Charton.

Reprenant les sources – même s’il regrette la faiblesses de la documentation vietnamienne –, Yvan Cadeau fait ici un remarquable travail technique en nous faisant pénétrer pour cela dans le fonctionnement des états-majors pour nous permettre de comprendre comment on en arrive là. Quelle politique mener au Tonkin quand, de l’autre côté de la frontière, les communistes l’emportent en Chine et qu’on craint leur arrivée ? Se concentrer sur le « delta utile », ou maintenir les postes le long de la RC4, où les convois sont en permanence attaqués ? Que proposer militairement à des politiques qui ont leurs propres agendas ?

L’état-major planifiera le repli de notre base la plus au Nord, Cao-Bang, envoyant pour aider ce mouvement une colonne partie de That Khe au Sud. Était-ce ou non le meilleur choix ? Certainement plus quand le mouvement est engagé, notamment parce qu’un poste médian, Dong Khe, était tombé aux mains de forces vietnamiennes, engagées dans une offensive à l’ampleur insoupçonnée.

Sous-estimation des forces de l’ennemi (nombre, équipement, combativité), maintien sans variante d’un plan manifestement obsolète, autisme d’un état-major combattant sur des cartes et sans idée du terrain, on constate à lire Cadeau et en regardant nos conflits actuels que les erreurs ne changent finalement pas. Et que l’héroïsme des combattants – des légionnaires du BEP, mais aussi des Tabors marocains, car l’assaut des goumiers du 1er Tabor, en rangs serrés et chantant la sourate Al-Fatiha, stupéfiera l’ennemi et permettra de briser l’encerclement de Coc Xa – ne peut pas tout.

Des 5000 hommes de ces deux colonnes, 700 sortiront de la jungle, dont 23 du BEP. 1800 étaient morts, 2500 prisonniers, dont la plupart ne reviendront pas vivants. Et si l’héroïsme des vaincus de Diên Biên Phu sera célébré comme celui de paladins luttant pour le « monde libre » contre le communisme, on cherchera plutôt à oublier les 1400 rescapés des combats de la RC4, coupables d’avoir été sacrifiés à un moment où l’on pensait encore gagner cette guerre.

 

 Yvan Cadeau, Cao Bang 1950. Premier désastre français en Indochine, Paris, Perrin-Ministère des armées, 2022.

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