Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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La France est comme un grand vaisseau en pleine tempête, défait, craquant, voies d’eau ouvertes, quasiment disjoint, tenant encore la vague moitié par habitude, moitié par sa taille.
Une petite partie de l’équipage s’acharne à épisser les cordages et à écoper la cale, cependant qu’une deuxième partie s’acharne à l’en empêcher et, pour mieux atteindre le port, envisage d’achever de démonter le gouvernail, propose de naviguer poupe en avant et préconise d’utiliser les membrures pour façonner une voile immobile très innovante, selon les conseils avisés de consultants non embarqués. La troisième et dernière partie, la plus nombreuse, contemple hébétée le morne présent et devine vaguement le désastreux avenir.
C’est ainsi que les nationalistes sont conspués, que les progressistes prétendent sauver le pays en l’annihilant et que la majorité des Français assiste en spectatrice à la dissolution de la France sans plus jamais être capable de remettre en cause les mauvais capitaines, les boussoles détraquées et les cartes mensongères. Ce qui est frappant, dans les vicissitudes présentes, c’est non seulement la trahison des élites – en fait une oligarchie opportuniste – mais encore la mystique du peuple, mystérieuse entité parée de toutes les vertus, partout invoquée mais présente nulle part.
C’est au nom de ce peuple que tous se battent sans jamais être d’accord, pas même sur qui en fait partie. On sait depuis la Révolution qu’être Français signifie d’abord obéir à l’État, on a appris depuis quelques décennies qu’être Français signifiait être éligible aux prestations gratuites de l’État providence, on comprend désormais qu’être Français signifie être désemparé et tout attendre de l’État, quel qu’il soit, et d’abord qu’il n’interdise rien. Les mystiques du peuple ont réussi à croire et faire croire que la masse innombrable portait en elle une vérité qu’aucun de ses membres ne saurait exprimer, que cette vérité est une abondance de biens purement matériels. Ceux qui promettent l’abondance sont dans le vrai, les autres ont tort, quand bien même les premiers ouvrent des chemins de disette.
Peuples, populaires, populistes, autant de noms dont on affuble une médiocre divinité, boursouflée et incapable, sinon d’étouffer sous son poids ceux qui voudraient non pas plaire à la masse mais forger une nation et des habitants. Est-il un parti qui défende la nation – condition nécessaire pour que la terre soit habitée et pas seulement peuplée – plutôt que de consacrer les velléités sous influence de la masse ?